Le peloton d'exécution
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Le verdict dans l'affaire de Gdeim izik
Le Peloton d'exécution
Le peloton d'exécution de Rabat (autrement connu comme Tribunal Militaire) a rendu son verdict, dans la nuit de samedi à dimanche, dans l'affaire des évènements liés au démantèlement du camp de Gdeim Izik à Laâyoune.
Neuf accusés ont été condamnés à la perpétuité, quatre autres ont été condamnés à 30 ans de prison, huit à 25 ans et deux autres à 20 ans. Deux ont été condamnés à la peine correspondant à la durée de la détention préventive.
Le camp de Gdeim Izik
Une des premières manifestations du printemps arabe a été celle du camp de Gdeim Izik, dans le Sahara Occidental.
Dès le 9 octobre 2010, des dizaines de milliers de sahraouis se sont exilés à quelques kilomètres de Laayoune, la capitale du Sahara Occidental, pour protester contre les conditions de marginalisation et de souffrance sociales auxquelles ils sont soumis. En quelques jours, des milliers de tentes (khaima) ont été installées et il s’est réalisé ce que l’on considère désormais comme une des premières expressions du mouvement de protestation qui allait dans les mois suivants secouer tout le monde arabe.
Le 8 novembre à l’aube, après un mois de protestations pacifiques, l’armée et les forces spéciales marocaines sont intervenues pour démanteler le camp. La réaction des occupants a été colérique. Il y a eu par la suite des affrontements qui ont également concerné la ville de Laayoune, pendant lesquels il y aurait eu des morts et de nombreux blessés.
Il est probablement impossible de faire un vrai bilan des affrontements : les chiffres officiels diffusés par les autorités marocaines parlent d’une dizaine de morts et d’une centaine de blessés parmi les forces de l’ordre. Cependant, concrètement , seule l’identité d’une victime a été rendue publique. Les activistes de leur côté ont dénoncé le meurtre et la disparition d’une dizaine de leurs compagnons. D’ailleurs, dans les jours successifs, le gouvernement marocain a empêché aux observateurs et aux journalistes indépendants d'entrer dans les territoires, refusant ainsi l’ouverture d’une enquête internationale sur les faits.
Le procès
Le procès avait dans un 1er temps été annoncé pour se tenir le 13 janvier 2012, mais la veille les avocats de la Défense étaient avertis par un simple appel téléphonique du greffe que le procès était reporté sans date. L’annonce d’une nouvelle date d’audience fixée au 24 octobre 2012 était faite en août 2012. Elle fera l’objet d’un nouveau report sans date dans les mêmes conditions sur simple appel téléphonique aux avocats, sans audience et hors la présence des prévenus et de leurs avocats.
Le procès est commencé le 1er février 2013 et, avec une interruption de six jours, s'é deroulé du 8 février jusqu'au 17 février.
Ci-après la liste des condamnés et des peines prononcées à leur encontre:
- Abhah Sidi Abdellah (pérpétuité)
- Al Ismaïli Ibrahim (pérpétuité)
- Al Ayoubi Mohamed (20 ans, poursuivi en liberté provisoire)
- Almachdoufi Ettaki (peine correspondant à la durée de la détention préventive - libéré)
- Alyae Hassan (pérpétuité, en fuite, jugé par contumace)
- Asfari Ennaama (30 ans)
- Banga Chikh (30 ans)
- Bani Mohamed (pérpétuité)
- Boubit Mohamed Khouna (25 ans)
- Bouryal Mohamed (30 ans)
- Boutankiza Mohamed Lbachir (pérpétuité)
- Dah Hassan (30 ans)
- Dich Eddafi (25 ans)
- El Bakkay Laarbi (25 ans)
- Faqir Mohamed (25 ans)
- Haddi Mohamed Lamine (25 ans)
- Khadda Lbachir (20 ans)
- Laâroussi Abdeljalil (pérpétuité)
- Lakhfawni Abdallah (pérpétuité)
- Lamjid Sidi-Ahmed (pérpétuité)
- Sbaï Ahmed (pérpétuité)
- Tahlil Mohamed (25 ans)
- Toubali Abdellah (25 ans)
- Zaoui Lahcen (25 ans)
- Zayyou Sidi Abderrahman (peine correspondant à la durée de la détention préventive - libéré).
L’Osservatorio Internazionale per i Diritti, mandaté par le Maire de la ville de Napoli, M. Luigi de Magistris, par l’Unione delle Camere Penali (l’association des avocats criminalistes d’Italie), par la Camera Penale di Napoli et l’Associazione dei Giuristi Democratici, a observé le procès en assurant la présence d’observateurs internationaux: les magistrats Nicola Quatrano et Anna Grillo,le journaliste Francesco Romanetti, les avocats Francesco Marco de Martino et Antonio Del Vecchio, le juriste international Fabio Marcelli.
Les premières observations sur le procès :
1. Il s’agit d’un procès dans lequel les personnes sont accusées de plusieurs homicides vis à vis de membres des forces de l’ordre, dont le nom n’est même pas mentionné dans l’acte d’accusation du Juge d’instruction militaire. La seule autopsie jointe au dossier est celle effectuée sur le cadavre du caporal Aljatib Bint Ihalib.
2. La procédure accusatoire se base exclusivement sur les confessions que les accusés ont faites en l’absence de leurs avocats et/ou en situation de détention dans les locaux de la Police judiciaire. En outre, il faut souligner que plusieurs familles ont dénoncé des situations de tortures et de mauvais traitements à l’encontre des inculpés.
3. Le fait que la peine maximale prévue pour les faits dont ils sont accusés soit la peine de mort soulève de très fortes préoccupations.
Toutefois , dans cette phase, nous entendons mettre une attention particulière à l’extension de la juridiction pénale militaire aux accusés civils. En effet, le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies, la Cour Américaine des droits de l’Homme et la Cour Européenne des Droit de l’Homme, ont déjà souligné le manque de reconnaissance de la part des tribunaux militaires des garanties procédurales fondamentales. En particulier, comme cela a été établi par le Comité des droits de l’Homme de l’Onu, permettre aux tribunaux militaires de juger des civils soulève des doutes par rapport à une administration de la justice équitable, indépendante et impartiale. (1) Par conséquent, étendre la juridiction militaire aux civils constitue une violation du droit fondamental de chaque individu à être jugé par un juge prédéterminé par loi, compétent, impartial et indépendant (2). Il faut également mettre en relief que la Cour Européenne des Droits de l’Homme a, à plusieurs occasions, estimé qu’un civil trainé devant un tribunal militaire pour de supposés crimes commis contre les forces de l’ordre peut légitimement craindre que cette juridiction ne soit pas impartiale et indépendante. C’est ainsi également le cas d'un tribunal composé, même s’il n’est composé que partiellement de membres des forces armées.
[1] Human Rights Committee, Administration of Justice, General Comment No 13 (UN Doc HRI/GEN/1/REV.1 (1984))
[2] Durand and Ugarte v Peru [2000] IACHR (16 August 2000), para 117
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