AfriqueAsie, 18 juin 2016
 
Israël et Jabhat al-Nousra en Syrie, main dans la main. Témoignages.
Khaled Attalah*
 
Depuis le début de la crise syrienne, le régime syrien n’a cessé d’accuser Israël de jouer un rôle, depuis Qousseir, dans les environs de Homs en mai 2013, jusqu’à l’émergence et l’avancée du front sud en septembre 2014. Un rapport de l’ONU publié en décembre semble lui donner raison. 
 
Un combattant blessé d’al-Qaïda transféré à l’hôpital israélien de Naharia
 
Selon le rapport de l’ONU couvrant la période de mars à mai 2014, la Force d’observation des Nations unies pour le désengagement (UNDOF) a détecté des contacts entre les rebelles syriens et l’armée israélienne sur la ligne de cessez-le-feu du Golan, en particulier pendant les durs combats entre l’armée syrienne et les rebelles. Le rapport confirme également que les forces de l’ONU ont localisé des rebelles alors qu’ils transportaient 89 blessés en passant par la ligne de cessez-le-feu, dans  la zone occupée par les Israéliens. Les forces onusiennes ont, également, observé que l’armée israélienne a remis deux containers aux rebelles du côté syrien du Plateau du Golan.
 
Les communications entre les rebelles et l’armée israélienne ont augmenté avant l’éruption du front sud à Daraa et Quneitra en septembre, selon Mohammad Qassim, un opposant de Quneitra sous pseudonyme. Qassim qui avait soutenu activement les rebelles pendant l’offensive de septembre, a été interviewé via Skype par Al-Monitor. « La bataille pour le contrôle de Quneitra, le 27 septembre, a été précédée par la coordination et l’établissement de communications entre Abu Dardaa, un chef de Jabhat Al-Nousra, et l’armée israélienne, pour ouvrir le chemin à l’attaque, dit-il.  Et, selon un commandant des FSA (Armée syrienne libre, organisation rebelle), qui a partiellement participé à cette bataille, l’armée israélienne a fourni à Abu Dardaa des cartes de la zone frontalière et des postes stratégiques de l’armée syrienne dans la zone sud ».
 
La bataille sous le commandement d’Al-Nousra, une branche d’al-Qaïda, pour le contrôle du passage de Quneitra, a été coordonnée avec l’armée israélienne,  par l’intermédiaire d’Abu Dardaa, selon Qassim. « Pendant les affrontements, les Israéliens ont massivement bombardé de nombreux postes du régime, descendu un avion de combat qui essayait de freiner la progression des combattants et visé d’autres appareils ».
 
Le 23 septembre, selon les médias, Israël a abattu un MIG-21 syrien au-dessus du Plateau du Golan occupé pendant l’intensification des combats entre les rebelles d’Al-Nousra et l’armée syrienne. Selon Qassim, avant cet affrontement, Israël a fourni aux combattants rebelles du matériel de communication et des équipements médicaux. Le témoin a, également, noté que ce matériel a amélioré la communication entre les combattants et permis d’équiper l’assistance médicale de quatre nouveaux hôpitaux mobiles dans le sud et le sud-ouest.
 
Toujours selon Qassim, Israël a autorisé un petit camp de réfugiés syriens à la frontière du Plateau du Golan occupé, qui « abrite des dizaines de familles syriennes, ce qui est confirmé par les rapports de l’ONU, et fournit l’assistance humanitaire nécessaire. Les combattants rebelles qui vont fréquemment dans la zone israélienne, et dont certains ont traversé la frontière plus de trois fois par jour, s’y rendent aussi ».
 
Concernant le transfert des blessés syriens dans le Golan, Qassim explique que « tout combattant ou civil sérieusement blessé qui ne peut être traité dans nos hôpitaux sur le terrain, est immédiatement transféré dans la zone israélienne du Golan, et, de là, il  est transporté en ambulance civile escortée par une patrouille de l’armée israélienne, vers un hôpital, pour y être traité. Plus tard, l’armée israélienne sera contactée par les rebelles pour prendre des nouvelles ».
 
L’armée syrienne présente dans la zone a, également, noté l’assistance israélienne aux rebelles. Les forces du général Rami Al-Hasan sont stationnées aux portes de la ville de Madinat Al-Baath, dans le gouvernorat de Quneitra. Des véhicules blindés, des tanks et des dizaines de checkpoints sont disposés autour de la ville qui jouxte les zones contrôlées par les rebelles. « Le premier résultat de la coopération entre l’armée israélienne et les rebelles a été constaté à Quneitra, lorsqu’ils ont pris le contrôle du passage de la frontière. Depuis, Israël soutient les combattants rebelles en les abritant sous prétexte de « répliques », entravant toute tentative des forces aériennes syriennes d’intervenir pour abattre un de nos avions. Israël a, également, fourni aux rebelles l’équipement nécessaire  pour faire face aux fortifications de l’armée syrienne ». Selon le général, « Israël veut exercer un contrôle sur la totalité du Golan et a contribué de façon significative à l’intimidation des observateurs de l’ONU pour les pousser à se retirer de la plupart de leurs positions. »
 
Le 4 octobre, les combattants rebelles et Jabhat  Al-Nousra ont pris Tal Al-Hara au nord-ouest de Daraa qui est adjacente à la zone de Quneitra. Cette victoire importante n’aurait pas pu être remportée sans le soutien d’Israël, selon Ghazwan al-Hourani, opposant de Daraa (également, un pseudonyme) qui a été témoin de la collaboration entre Jabhat Al-Nousra et Israël. « Le soutien israélien dans la bataille de Tal Al-Hara a été d’un haut niveau et l’armée israélienne a été la tête pensante de cette bataille en termes de plans, tactique et suivi. Les  moyens de communication diffusaient des instructions précises en arabe sur ce que les combattants devaient faire, étape par étape », dit le témoin à Al-Monitor.
 
Des dizaines d’instruments de surveillance, de radio et de brouillage, ainsi qu’un équipement radar sophistiqué ont été trouvés dans le centre de communication du régime à Tal Al-Hara, selon Hourani, et des documents, des cartes et des portables du centre ont été placés dans des containers sur des camions et déplacés vers une destination inconnue par Jabhat Al-Nousra.
 
La station de reconnaissance aérienne de Tal Al-Hara, le dernier centre de reconnaissance du gouvernement opérant dans le sud de la Syrie, a été bombardée par les avions israéliens le 5 septembre, un mois avant  sa prise par les rebelles le 7 octobre. Ceci ne peut être considéré comme une coïncidence, selon Hassan. « Israël avait une bonne raison d’envoyer sa force aérienne sur Tal Al-Hara et de donner l’ordre ensuite aux rebelles de l’attaquer. La station radar avait été rénovée en 2012-2013, puis, à nouveau, début 2014 avec une technologie capable d’étendre son champ d’observation jusqu’au sud de la Palestine occupée, le nord de l’Arabie saoudite et Chypre, en Méditerranée, dont le ministère syrien de la Défense recherchait la coopération avec ses partenaires russes. Israël veut empêcher l’armée syrienne de contrôler ses mouvements dans le Golan occupé et prévenir toute tentative d’interception de sa force aérienne », dit-il.
 
Selon le général Rami Al-Hassan, Israël ne se contente pas de soutenir les rebelles militairement et d’un point de vue logistique ou médical. Il les entraîne dans le Golan. « Nous avons déposé une plainte contre ce camp à la direction de l’UNDOF et nous avons menacé de les attaquer. Cependant, les observateurs n’ont pas répondu et le camp est toujours là ».
 
Qassim et Hourani se sont montrés réticents sur ce sujet sensible. Ils ont interrompu l’échange, parlant d’une voix tremblante et coupant brusquement toute communication quand quelqu’un leur a fait savoir qu’ils seraient en danger s’ils révélaient de tels détails. Ils sont dans la même situation que de nombreux activistes de l’opposition qui agissent avec les groupes rebelles, mais qui considèrent toute coopération avec Israël comme une trahison des objectifs révolutionnaires. « Cette coordination est une trahison. Des milliers de gens meurent, et ils ne meurent pas pour que des dizaines d’autres conspirent avec l’ennemi », dit Qassim, ajoutant, « nous avons commencé la révolution et nous la terminerons sans l’aide de quiconque, particulièrement sans ceux qui ont tué et continuent de tuer, qui ont déplacé et continuent de déplacer des milliers de gens   chaque jour en Palestine, pendant qu’ils occupent une partie de notre pays ».
 
 
*Pseudonyme d’un journaliste basé en Syrie
 
Source : Al-Monitor
 
Traduction Christine Abdelkrim-Delanne

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