Le Grand Soir, 30 novembre 2011


Programme nucléaire de l’Iran : on recycle la propagande orchestrée pour la guerre en Irak (Democracy Now !)
Seymour HERSH

Alors que les USA, la Grande-Bretagne et le Canada comptent annoncer un ensemble coordonné de sanctions contre le pétrole et la pétrochimie iraniens aujourd’hui, le journaliste d’investigation chevronné SEYMOUR HERSH conteste le consensus croissant sur le présumé programme iranien d’armement nucléaire


La pression internationale est montée sur l’Iran depuis qu’un rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique de l’ONU a révélé la "possible dimension militaire" des activités nucléaires de l’Iran, citant comme "crédible" la preuve qui "indique que l’Iran a mené des activités liées au développement d’un engin nucléaire explosif ».


Dans son dernier article pour le blog du New Yorker, intitulé Iran and the I.A.E.I, Hersh affirme que le récent rapport est un « document politique » et non pas une étude scientifique. « Le commandement américain du groupe opérationnel interarmées [American Joint Special Operations Command (JSOC]) n’a rien trouvé. Rien. Aucune preuve d’armement », dit Hersh. » En d’autres termes, aucune preuve d’une installation pour la construction de la bombe. Les Iraniens ont des installations d’enrichissement, mais pas d’installations séparées pour construire la bombe. C’est un fait pur et simple." [Suit la transcription non éditée de l’interview de l’émission Democracy Now]


AMY GOODMAN : Aujourd’hui, les États-Unis, la Grande-Bretagne et le Canada comptent annoncer un ensemble coordonné de sanctions contre l’Iran. ABC News et le Wall Street Journal rapportent que les sanctions viseront le pétrole et l’industrie pétrochimique de l’Iran. Le week-end dernier, le président Obama a affirmé que toutes les options restaient sur la table.

         
           BARACK OBAMA : Les sanctions ont une ampleur énorme et étendue ; nous partons du programme qui a déjà été mis en place. La question est de savoir s’il existe des mesures supplémentaires possibles. Et nous allons explorer toutes les possibilités pour voir si nous pouvons résoudre ce problème par la voie diplomatique. J’ai dit à plusieurs reprises, et je le répète aujourd’hui, que nous n’excluons aucune des options possibles


AMY GOODMAN : La pression internationale a augmenté sur l’Iran depuis que l’Agence internationale de l’énergie atomique de l’ONU a révélé dans un rapport, "la possible dimension militaire" de ses activités nucléaires. L’AIEA a parlé de preuves "crédibles qui indiquent [que] l’Iran a mené des activités liées au développement d’un dispositif nucléaire explosif ". L’AIEA a adopté une résolution vendredi exprimant, je cite, « sa préoccupation croissante » au sujet du programme nucléaire de l’Iran suscitée par les conclusions du rapport.


Le président du parlement iranien a déclaré hier que l’Iran réviserait ses relations avec l’AIEA à la suite du rapport. Ali Larijani a indiqué qu’il pourrait être difficile à l’Iran de continuer à coopérer avec l’organe de surveillance nucléaire.


          ALI LARIJANI : [traduit du persan] Si l’agence agit dans le cadre de la Charte, nous acceptons d’en être membre et nous assumerons nos responsabilités. Mais si l’agence veut s’écarter de sa mission, alors elle ne doit pas s’attendre à ce que nous coopérions.


AMY GOODMAN :
C’était le speaker du parlement iranien. En attendant, certains Iraniens ont exprimé le souhait d’une coopération accrue avec l’AIEA.


          SAID BAHRAMI : [traduction] Comme le gouvernement a apporté beaucoup de précisions, il vaudrait mieux élargir sa coopération avec l’AIEA et que celle-ci vérifie par elle-même, directement, afin de ne pas laisser de prétexte aux superpuissances .


AMY GOODMAN :
La semaine dernière, le Pentagone a confirmé qu’il a reçu une importante livraison de nouvelles bombes bunker busters (défonceuses de bunkers) capables de détruire les sites souterrains, y compris les installations nucléaires iraniennes. Les bombes de 30.000 livres ont six fois la taille de l’arsenal actuel de la Force aérienne en "bunker busters".


Les nouvelles sanctions contre l’Iran découlent aussi des allégations US du mois dernier selon lesquelles les responsables iraniens ont été impliqués dans un complot avorté qui visait l’ambassadeur saoudien à Washington. Les USA comptent annoncer aujourd’hui que le secteur financier de l’Iran est « soupçonné au premier chef de blanchiment d’argent." Cette phrase déclenche l’application d’un article du PATRIOT Act qui avertit les entreprises européennes, asiatiques et latino-américaines, qu’elles ne pourront pas commercer avec les USA si elles continuent à travailler avec l’Iran.


Eh bien, pour développer la question des sanctions et des implications du rapport de l’AIEA, nous allons à Washington, DC, pour parler avec le journaliste d’investigation SEYMOUR HERSH, lauréat du prix Pulitzer. Il fait des reportages sur l’Iran et la bombe depuis 10 ans. Son dernier article est intitulé « L’Iran et l’AIEA." Il a été publié dans le New Yorker.


Bienvenue à Democracy Now !, Sy. Dites-nous ce que vous pensez de ce qui se passe actuellement en Iran dans le secteur de l’énergie nucléaire.


SEYMOUR HERSH : En introduction vous dites que l’article se trouvait dans le New Yorker ; en fait il a été posté sur la page Web.


Mais vous avez mentionné l’Irak. C’est exactement ça ; je ne sais pas si vous voulez parler de « psychose », mais c’est une sorte de pays imaginaire qui se construit ici, comme ce fut le cas pour l’Irak ; on n’a de toute évidence pas appris la leçon. J’écris des articles sur l’Iran, et je pourrais vous dire que depuis 2004, sous George Bush, et en particulier sous le vice-président, M. Cheney, Cheney se préoccupait particulièrement de l’existence d’ installations secrètes pour la construction d’une arme, activité très différente des activités d’enrichissement.


L’Iran fait de l’enrichissement d’uranium. C’est reconnu. il y a des inspecteurs sur place. Il y a des caméras là-bas, etc. C’est tout. L’Iran est signataire du Traité de non-prolifération. Personne ne l’ accuse de tricher. En fait, le dernier rapport qui enthousiasme tellement tout le monde dit une fois encore que nous n’avons pas trouvé de preuves que l’Iran ait détourné l’uranium qu’il enrichit. Et en outre, il l’enrichit à des niveaux très bas, à des fins pacifiques si l’on veut, à 3,8 % . Et il y a un petit pourcentage qui est enrichi à 20 % pour un usage médical, mais c’est une proportion très réduite et le traitement se fait sous notre inspection et sous l’oeil des caméras.


Pendant les années 2004,2005, 2006, 2007 et même jusqu’à la fin de son mandat, Cheney continuait à envoyer en Iran des Forces d’opérations spéciales, JSOC-. Elles travaillaient avec plusieurs groupes de dissidents , les Azéris, les Kurdes, même les Jundallah, (qui regroupe des sunnites de l’opposition, très fanatiques) et ces équipes faisaient tout ce qu’elles pouvaient pour trouver les preuves d’une installation souterraine non déclarée. Nous avons tout surveillé. Nous avons une surveillance incroyable. Ce que nous faisions à cette époque, nous le faisons encore mieux aujourd’hui. Et certaines activités sont très techniques, très secrètes, croyez-moi ; il n’y a pas grand chose que vous puissiez faire aujourd’hui en Iran sans que nous le sachions.


Or, ils n’ont rien trouvé. Rien. Aucune preuve de militarisation. En d’autres termes, aucune preuve d’une installation pour la construction de bombes. Les Iraniens ont des installations d’enrichissement, mais pas d’installations séparées pour la construction d’une bombe. Ceci est simplement un fait. L’installation, nous ne l’avons pas trouvée et elle n’ existe pas. C’est encore un fantasme. Nous voulons pourtant croire-et beaucoup de gens croient, que l’installation existe.


Le grand changement s’est produit les dernières semaines quand l’AIEA a publié un nouveau rapport. Et ce n’est pas un rapport scientifique, c’est un document politique. Le document reprend quantité d’anciennes allégations faites au fil des années, allégations qui ont été examinées par l’AIEA, sous le régime ou la direction de Mohamed El Baradei, qui a dirigé l’agence pendant 12 ans. Baradei était Egyptien et à reçu le prix Nobel de la paix pour son travail ; au début, il était très sceptique concernant l’Iran , et ses doutes se sont dissipés à mesure que l’Iran s’est ouvert davantage. Mais le nouveau directeur de l’AIEA , un officiel japonais appelé Amano, personnage conservateur du parti de centre droit au Japon, à mon avis certainement honorable, a toutefois ses convictions.


Il se trouve que nous avons une série de documents de WikiLeaks relatifs à l’ambassade US à Vienne qui signalent que c’était merveilleux d’avoir Amano dans l’agence. C’était l’année dernière. Ces documents ont été publiés par le groupe de Julian Assange et ils sont assez importants, parce qu’ils disent qu’ Amano a prêté allégeance aux USA. Je crois qu’il a été élu en tant que candidat marginal. Nous l’avons beaucoup soutenu ; il a eu six votes en sa faveur. Tout le monde le considérait comme un candidat faible, mais nous l’avons poussé pour qu’il obtienne le poste. Et nous avons réussi. Il a réagi en nous remerciant et en nous disant qu’il partageait nos vues. Il partage notre point de vue sur l’Iran. Il se montrerait reconnaissant. Il ferait ce que nous voulons.


Ce nouveau rapport n’apporte rien de nouveau. Ce n’est pas moi qui parle. C’est dans l’article que j’ai écrit pour le blog du New Yorker ; le blog est différent de la revue parce qu’il contient plus de renseignements. J’ai parlé à d’anciens inspecteurs. Ils expriment des opinions différentes de celles que vous lisez dans le New York Times et le Washington Post. Il y en a d’autres que l’on passe sous silence et qui sont beaucoup plus sceptiques au sujet de ce rapport, mais on n’en parle pas. Donc ce que vous obtenez , ce sont des bribes de nouvelles dans le journal de la grande presse d’ici sur l’analyse de ce rapport. Il y a une analyse complètement différente qui contient peu de nouveautés.


Et voici comment ça se passe, Amy : au fil des années un rapport fera surface dans un journal de Londres, rapport mensonger, de la propagande, que ce soit nous ou une agence de européenne de renseignements qui le diffusera, ce n’est pas clair. C’est déjà arrivé, rappelez- vous les trucs d’Ahmed Chalabi, pendant les préparatifs de la guerre en [l’Irak], les propos sur les grands arsenaux qui existaient dans le pays (Irak). C’est le même genre de propagande qui est utilisé maintenant et que divers journaux publiaient la dernière décennie.


L’AIEA examinait les documents, décidait qu’il s’agissait de propagande ou non, ou qu’il n’y avait pas de preuves. Tous ces anciens rapports, à l’exception d’une nouvelle étude publiée par l’AIEA, contenaient peut-être 30 ou 40 sujets, dont trois seulement se rapportaient à la période postérieure à 2008, et beaucoup de personnes de l’AIEA croient qu’ils sont fabriqués de toutes pièces et ne sont pas très fiables. Voilà où vous en êtes.


AMY GOODMAN : Donc, Sy Hersh, vous dites que ces informations ne sont pas nouvelles. C’est le nouveau chef de l’AIEA qui change la donne ici. Pouvez-vous parler davantage de l’infiltration américaine de l’Iran, des JSOC en Iran, de la surveillance en Iran ?


SEYMOUR HERSH : Bien sûr. C’est le genre d’activités que nous avions ; je peux vous parler de choses qui étaient secrètes il y a huit ou neuf ans. Par exemple, si nous soupçonnions l’existence d’une installation souterraine à un endroit où nous voyions des terrassements, dans une région montagneuse par exemple, nous bordions la route de cailloux qui étaient en fait des détecteurs qui mesuraient le poids des camions qui entraient et qui sortaient. Si les camions étaient plus lourds à la sortie, nous pouvions présumer qu’ils transportaient de la terre et donc que l’on creusait. Voilà le type de surveillance que nous faisions.


Nous avons aussi placé toutes sortes de compteurs de radioactivité passive. Cela, pour l’uranium, même le plutonium, car la plupart du matériel utilisé est de l’uranium enrichi. Les Iraniens ne fabriquent pas de plutonium. Mais il est repérable. À un certain moment, ils doivent le déplacer. Une fois que vous commencez à le déplacer, il peut être repéré. Vous pouvez utiliser des compteurs Geiger pour refaire les mesures à l’ancienne. Vous mesurez la radioactivité et vous pouvez voir si elle augmente. Nous entrions dans un bâtiment, avec nos soldats et parfois même avec des Américains à Téhéran quand nous pensions qu’il se passait quelque chose de louche ; nous créions une diversion dans la rue et en profitions pour prendre quelques briques, les mesurer avec un compteur Geiger pour voir si dans ce bâtiment on faisait de l’enrichissement à notre insu.


Nous avons également des compétences incroyables pour ce qui est de repérer les trous d’air à partir de satellites. Si vous construisez une installation souterraine, vous devez la ventiler. Vous devez y faire pénétrer de l’air. Vous devez trouver la manière d’éliminer l’air pollué et d’injecter de l’air frais. Et nous avons donc des spécialistes, des gens incroyables dans notre communauté. Certains sont à la retraite et ont créé une société privée pour faire ce travail. La surveillance se faisait en altitude pour trouver les trous d’air et le schéma d’une installation souterraine. Nada. Nous n’avons rien trouvé.


Et ce qui est le plus important, c’est que... si vous ne sortez pas de l’uranium du volume recensé pour le déplacer ailleurs de manière à pouvoir construire une bombe - et là, l’AIEA est absolument catégorique-tout ce que les Iraniens enrichissent, à quelque pourcentage que ce soit, ils le font sous l’oeil des caméras et sous inspection. Tout est fait au grand jour ; en vertu du traité de sauvegarde. Personne n’accuse l’Iran de violer le traité. L’Iran est simplement accusé de tricher. Et il n’y a aucune preuve que l’Iran détourne du matériau. Si vous comptez fabriquer une bombe, vous devez l’apporter d’un autre endroit. Étant donné le type de surveillance que nous avons, il sera difficile d’apporter la bombe d’un pays tiers, d’importer de l’uranium et de l’enrichir ou d’importer de l’uranium enrichi. C’est simplement trop difficile.


Nous avons une espèce d’hystérie comme celle que nous avions sujet de l’Irak et elle ressort au sujet de l’Iran. Et je ne plaide pas en faveur de l’Iran. Il y a beaucoup de choses contestables à lui reprocher comme la manière dont ce pays traite la dissidence etc. je parle simplement du contexte dans lequel se déroule le raffut actuel. Quant aux sanctions, vous savez, excusez-moi, nous avons imposé des sanctions à Cuba pendant 60 ans et Castro est toujours là, même s’il est très malade. Les sanctions ne marcheront pas. C’est un pays qui produit du pétrole et du gaz -en plus petite quantité il est vrai - mais il en reste beaucoup. Et les Iraniens ont des clients en Extrême-Orient. Ils ont des clients pour leur énergie. C’est nous qui allons perdre dans l’affaire


AMY GOODMAN : Comment comparez-vous l’administration Obama à l’administration Bush au sujet de l’Iran ?


SEYMOUR HERSH : il n’y a rien à comparer. C’est la même chose - le ton est un peu moins belliqueux. J’ai toutes les raisons de croire que, à l’encontre de M. Bush, le président Obama est a vraiment peur d’une attaque. Il ne veut pas que les Israéliens bombardent l’Iran. C’est ce que nous lisons dans la presse ces derniers temps.


Et il y a les nouvelles bombes de 30.000 livres construites par Boeing, je pense. Le problème est que la plupart des installations de l’Iran, celles que nous connaissons, les installations déclarées sous inspection par caméra, se trouvent dans un endroit appelé Natanz, à quelque 80, (entre 75 et 80 pieds) sous terre. Et il vous faudra bombarder massivement pour arriver à les endommager. Vous pouvez certainement faire des dégâts à Natanz, mais à coût international énorme. L’argument en faveur d’un bombardement est tellement vague qu’il en devient nul. Des études techniques ont été faites par le MIT et d’autres institutions auxquelles des scientifiques du gouvernement israélien ont également participé et ces études montrent qu’il serait vraiment difficile d’endommager significativement les installations étant donné la profondeur à laquelle elles se trouvent. Mais on en parle.


Et il y a le fait que ce président n’a de nouveau rien dit au sujet de ce qui se passe à Tahrir. Nous sommes muets. Il est resté muet sur ce genre de troubles. Toutefois, je crois savoir qu’il comprend mieux les problèmes. Je crois que sur la scène politique, il veut donner l’impression d’être un dur. Tout le monde fait la chasse aux voix indépendantes. Je ne sais pas pourquoi il est si important de d’obtenir les suffrages de gens qui ne savent pas s’ils sont démocrates ou républicains, mais on dirait que c’est ce qui se passe.


AMY GOODMAN : Bien, passons à la réaction d’Israël à l’égard du rapport de l’AIEA. Hier, le ministre de la défense Ehud Barak a déclaré dans une interview à CNN que le moment est venu de s’occuper de l’Iran. Lorsqu’on lui a demandé spécifiquement si Israël attaquerait l’Iran, voici ce qu’il a répondu


          Le Ministre de la défense EHUD BARAK : Je ne pense pas que ce sujet puisse faire l’objet d’une discussion publique. Mais je peux vous dire que le rapport de l’AIEA a fait réfléchir beaucoup de monde et de dirigeants mondiaux. Et les gens comprennent que le moment est venu. Amano l’a dit carrément contrairement à Baradei. Et c’est devenu un problème majeur, et je crois que des sanctions s’imposent, de même que des démarches diplomatiques intensives et de toute urgence. Les gens comprennent maintenant que l’Iran est déterminé à acquérir des armes nucléaires. Il n’y a pas d’autre explication possible ou concevable pour ce que l’Iran fait actuellement. Et il faut y mettre fin.


AMY GOODMAN : C’était le ministre israélien de la Défense, Ehud Barak. Sy, votre réponse ?


SEYMOUR HERSH : Eh bien, ce qui me rend nerveux c’est que Barak et Bibi, Bibi Netanyahou, sont d’accord à ce sujet. Ils ne sont pas toujours d’accord sur beaucoup de choses. Mais ici, ils sont tous les deux d’accord, et c’est inquiétant parce que, encore une fois, c’est un problème politique là-bas. Israël glisse rapidement vers la droite. Et malheureusement, les règles du jeu sont tellement moches en Israël que je ne peux pas en parler par écrit ; mais j’ai parlé à des gens du renseignement très haut placés en Israël. Vous n’en entendez pas beaucoup parler , mais l’ancien chef du Mossad, Meir Dagan - le gars qui a orchestré la tentative d’assassinat à Dubaï, etc (donc pas une colombe) -a dit avec véhémence que c’était de la folie que de chercher l’Iran alors que l’on ne sait pas exactement ce qu’il possède. Les Iraniens sont encore très loin de la bombe. Cela fait vingt ans qu’Israël dit qu’ ils l’auront dans six mois.


J’ai parlé avec des officiers supérieurs israéliens qui m’ont dit d’abord qu’ils savent que l’Iran-comme la communauté du renseignement US le révélait- a fait l’objet en 2007 d’une estimation du renseignement national ((National Intelligence Estimate)) qui a été rendue publique et qui a dit essentiellement que l’Iran avait envisagé d’acquérir la bombe. L’Iran avait eu une guerre de huit ans avec l’Irak, une guerre terrible, de 1980 à 1988. Et soit dit en passant, à l’époque les USA ont pris le parti de l’Irak, de Saddam Hussein. Dans les années qui ont suivi, l’Iran a commencé à s’inquiéter des rumeurs au sujet de la construction par l’Irak d’armes nucléaires et par conséquent, pendant la période disons de 1987 à 1997 et à 2003, cela n’a pas soulevé des questions...


J’ai publié un article à ce sujet il y a un an dans The New Yorker. Mon article disait qu’effectivement les Iraniens avaient cherché une bombe-mais ils savaient qu’ils n’y arriveraient pas-il était exclu qu’ils puissent fabriquer une bombe pour dissuader l’Amérique ou Israël. Ce ne sont pas des imbéciles. Cette société persane existe depuis quelques milliers d’années. Ils ne peuvent pas nous dissuader. Nous avons un trop grand nombre de bombes. Ils pensaient pouvoir dissuader l’Irak. Après que nous avons battu l’Irak en 2003, ils ont arrêté de chercher. C’est vrai qu’ ils avaient fait des études. Nous parlons de modèles informatiques etc. mais pas de construction. Il n’y a pas de doutes qu’ ils ont envisagé l’idée d’acquérir une bombe ou d’arriver au point où ils pourraient en fabriquer une. C’est ce qu’ils ont fait, mais ils se sont arrêtés en 2003


Ceci est toujours le consensus US. Les Israéliens vous diront en privé qu’ils sont d’accord. Que les Iraniens ont arrêté la plupart de leurs plans et même leurs études en 2003. La position israélienne est que s’ils ont arrêté ce n’est pas parce qu’ils ont vu ce que nous avons fait en Irak, mais par ce qu’ils pensaient que nous pourrions détruire l’Irak. Un général m’a dit : nous avons détruit l’Irak en trois semaines et nous avons fait ce qu’ils n’ont pas pu faire en huit ans. Les Iraniens ont pensé qu’ils allaient être les suivants. Mais selon le consensus, c’est vrai qu’ils se sont arrêtés. Et aussi, si vous demandez sérieusement aux Israéliens avertis du domaine du renseignement- et ils sont nombreux - « croyez-vous vraiment que s’ils avaient une bombe-et ils n’en ont pas actuellement- croyez-vous qu’ils frapperaient Tel-Aviv ? » Leur réponse : « est-ce que vous pensez qu’ils sont fous ? On les réduirait en poussière. Bien sûr que non. Ils sont là depuis 2000 ans. Pas question que ça arrive ». La crainte, c’est qu’ils donnent une bombe à quelqu’un d’autre etc.


Il y a une rationalité dans la communauté du renseignement israélien qu’on ne retrouve pas au niveau du leadership politique. Nous avons le même genre de folie ici. Notre communauté du renseignement a dit en 2007-et à nouveau l’année dernière- que les Iraniens n’ont pas la bombe. Ils ne la fabriquent pas. Vous trouvez ça dans le NIE (National Intelligence Estimate) ; 16 agences ont voté dans ce sens (c’est-à-dire 16 à zéro) lors d’un vote interne et il y a eu une mise à jour du rapport de 2007 en 2011 concernant le même endroit. Il n’y a pas de bombe. Cela ne veut pas dire que les Iraniens n’en rêvent pas. Cela ne veut pas dire que des scientifiques ne font pas des études informatiques. Cela ne veut pas dire que des physiciens de l’université de Téhéran ne font pas ce que des physiciens aiment faire, à savoir écrire des articles et faire des études. Mais il n’y a pas de preuve d’un effort systématique visant à passer de l’enrichissement d’uranium à la fabrication d’une bombe. C’est un processus énorme et difficile. Vous devez prendre un gaz extrêmement chaud et le convertir en un métal et ensuite en fabriquer un noyau (core). Et vous devez le faire avec une télécommande parce que vous ne pouvez pas vous approcher du processus. Cela vous tuerait. Tellement c’est radioactif.


Je suis une voix isolée. Et vous connaissez la prudence du New Yorker, même pour un article sur le blog. L’article a été vérifié et revérifié. Et je cite mes références : Cirincione, un Américain qui a été impliqué pendant des années dans le désarmement. Ce sont des voix différentes de celles que vous entendez dans les journaux. Je suis parfois choqué par les voix qui s’expriment dans le New York Times et le Washington Post. Nous n’y lisons pas des points de vue différents. Il y en a, à l’intérieur , non seulement dans la communauté du renseignement américain, mais aussi à l’intérieur de l’AIEA à Vienne. Il y a beaucoup de gens qui ne supportent pas ce fait Amano, et depuis que cet article est sorti je reçois tant de courriels que c’est dingue, des gens de l’intérieur qui me disent " chapeau !". Je parle de l’intérieur de l’AIEA. C’est une organisation qui ne s’occupe pas de la presse, mais à l’intérieur, ils sont très gênés par la voie qu’Amano leur fait prendre.


Ce n’est pas une étude scientifique, Amy. C’est un document politique. Et c’est un document politique dans lequel Amano joue notre jeu. Et c’est le même jeu que les Israéliens reprennent, de même que ceux qui n’aiment pas l’Iran. Et je voudrais que nous puissions faire le tri de nos sentiments au sujet de l’Iran et des mollahs et de ce qui s’est passé avec les étudiants en 1979 ; il y a de fortes chances pour que les Iraniens nous donneraient le type d’inspection que nous voulons si nous leur montrions un peu de bienveillance - si nous mettions fin aux sanctions et que nous respections ce qu’ils attendent de nous. Et ce n’est pas ce que fait cette administration


AMY GOODMAN : Seymour Hersh, je tiens à vous remercier beaucoup d’être avec nous.


Son dernier article est sur le blog du New Yorker. Son titre : Iran and the I.A.E.I ; Seymour Hersh est lauréat du Prix Pulitzer.


Democracy Now ! est une émission américaine d’actualités, d’analyse et d’opinion diffusée en anglais et en espagnol. Elle prête une attention particulière aux sujets que ses producteurs considèrent comme ignorés ou insuffisamment traités par les médias de masse.


Democracy Now ! est diffusée par plus de 700 radios, chaînes de télévision, bouquets de télévisions (satellites et câblés).


ORIGINAL
http://www.democracynow.org/2011/11/21/seymour_hersh_propaga...


TRADUCTION Anne-Marie Goossens - Info-Palestine


autre traduction La Revue des Ressources Traduction Régis Poulet

 

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