Bachar al-Assad: La crise en Égypte incarne la « chute » de « l’islam politique »
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Bachar al-Assad: La crise en Égypte incarne la « chute » de « l’islam politique »
Luc Michel (4.7.2013)
"Quiconque utilise la religion dans un but politique ou pour favoriser certains par rapport à d'autres, est condamné à l'échec" - Bachar Al-Assad (ce 3 juin)
L'armée égyptienne a annoncé dans un message télévisé mercredi soir avoir écarté M. Morsi, suspendu la Constitution et annoncé la tenue d'une élection présidentielle anticipée en Egypte.
Le président syrien Bachar al-Assad a assuré que les manifestations monstres contre son homologue égyptien déchu Mohamed Morsi « marquent la fin de l'islam politique », selon des extraits d'une interview à un journal syrien à paraître ce jeudi. "Ce qui se passe en Egypte est la chute de ce que l'on connaît comme étant l'islam politique", a déclaré le chef de l'Etat syrien au journal syrien As-Saoura.
"Où que ce soit dans le monde, quiconque utilise la religion dans un but politique ou pour favoriser certains par rapport à d'autres, est condamné à l'échec", a ajouté M. Assad, dont les extraits ont été diffusés sur sa page Facebook dès ce mercredi. Le président al-Assad a ajouté qu’ "On ne peut pas tromper tout le monde tout le temps. Alors comment on peut le faire avec le peuple égyptien dont la civilisation remonte aux milliers d'années et qui est porteur d'une pensée nationale arabe claire".
Les propos de Bachar al-Assad ont été publiés quelques heures après une déclaration de son ministre de l'Information, Omrane al-Zohbi, dans laquelle il avait assuré fort justement que le départ de Mohamed Morsi était nécessaire à la résolution de la crise égyptienne.
Les frères musulmans au service de l’impérialisme yankee
L'animosité entre le régime de Damas et les Frères musulmans dure depuis de longues années et l'appartenance à la confrérie est condamnée de la peine de mort en Syrie depuis les années 1980 et l’insurrection des quartiers islamistes de Homs, précédée du massacre des cadets de son académie militaire.
La branche syrienne des Frères musulmans joue aujourd'hui un rôle crucial dans la soi-disant « Coalition nationale de l'opposition syrienne en exil », qui est reconnue comme représentante légitime (sic) du peuple syrien par plus d'une centaine d'Etats et organisations, toutes vassales des USA.
Les Frères, après avoir été les protégés du IIIe Reich nazi et basée à Munich, sont passés en 1945 au service des USA. Contre les Soviétiques dans le Caucase et contre tous les régimes nationalistes arabes – ba’ath, Nasser ou Kadhafi – au Proche-Orient.
Retour sur les derniers évènements du Caire
L'armée égyptienne a donc renversé mercredi l'islamiste Mohamed Morsi, après une année tumultueuse au pouvoir marquée par des crises à répétition parfois meurtrières. Les consultations pour la formation du prochain gouvernement débutent "maintenant", a annoncé dans la nuit de mercredi à jeudi l'opposant et ex-candidat à la présidentielle Amr Moussa.
Dans une première réaction, Morsi, confronté durant sa présidence à une contestation populaire constante, qui a atteint son apogée ces derniers jours, a affirmé que ce "coup d'Etat est rejeté par tous les hommes libres du pays" (sic), faisant planer le risque de la poursuite du bras de fer. Après avoir rejeté l'ultimatum mardi et mis en avant la "légitimité" que lui confère son élection, Morsi a jusqu'au dernier moment tenté de régler la crise en proposant "un gouvernement de coalition et de consensus afin d'organiser des législatives à venir".
L'annonce de l'armée a été accueillie par une explosion de joie par les centaines de milliers de ses opposants qui manifestaient en masse à travers le pays. Des milliers de personnes, rassemblées devant le ministère et scandant "Egypte, Egypte!", ont crié leur joie après l'annonce de l'armée. "Je n'attendais qu'une chose, c'est que Morsi parte", affirmait à l’AFP Abdel Khalek Abdo, un agriculteur de 56 ans.
Ce développement dramatique rappelle, non sans une ironie dont l’Histoire est fréquente, la chute du régime de Hosni Moubarak qui a été chassé du pouvoir en février 2011 après 18 jours de manifestations massives appelant à son départ.
A la différence que M. Moubarak, lui-même issu de l'armée, avait remis le pouvoir à l'institution militaire, alors que cette fois-ci l'armée a affirmé qu'elle mettait le pouvoir politique dans les mains du président du Conseil constitutionnel, Adly Mansour, jusqu'à la tenue d'une présidentielle anticipée, sans toutefois préciser la durée de cette période transitoire. « La Constitution est en outre suspendue », a annoncé le chef de l'armée et le ministre de la Défense, le général Abdel Fattah al-Sissi, dans une allocution télévisée, entouré des principaux chefs religieux du pays et du représentant de l'opposition Mohammed Elbaradei. "Un comité chargé d'examiner les propositions d'amendements constitutionnels sera formé", a poursuivi le général Sissi. De même, un gouvernement regroupant "toutes les forces nationales" et "doté des pleins pouvoirs" sera chargé de "gérer la période actuelle".
La feuille de route a été annoncée après l'expiration ce mercredi à 14H30 GMT de l'ultimatum de l'armée qui avait sommé Morsi de "satisfaire les revendications du peuple", dont une partie l'accusait de « vouloir instaurer un régime autoritaire au profit des Frères musulmans » dont il est issu. Ce plan a été discuté durant la journée entre l'armée, les responsables de l'opposition et les chefs religieux.
Des dizaines de milliers d'anti-Morsi étaient toujours massés au Caire et dans d'autres provinces – ils étaient plusieurs millions hier -, de même que des partisans du président – moins de 25.000 -, alors que les violences ont déjà fait 47 morts et des centaines de blessés depuis le 26 juin. Des blindés ont été déployés au Caire, bloquant les voies menant aux rassemblements pro-Morsi. Alors que le ministère de l'Intérieur a affirmé qu'il répondrait "fermement" à toute violence, l'armée a renforcé la sécurité autour des établissements officiels et a demandé au personnel administratif de la télévision d'Etat de quitter les lieux.
Quatre partisans du président égyptien Mohamed Morsi ont été tués dans des affrontements avec militaires et policiers dans la ville de Marsa Matrouh (nord-ouest), selon les services de sécurité. Dix autres personnes ont été blessées lors de cette attaque par un groupe de partisans armés de M. Morsi contre le siège des services de sécurité de cette ville sur la côte méditerranéenne, proche de la frontière libyenne.
Les services de sécurité égyptiens ont interrompu mercredi la diffusion d'une chaîne de télévision appartenant aux Frères musulmans, la formation dont est issu Mohamed Morsi, a indiqué un collaborateur de ce dernier à l'AFP. Avant l'annonce de l'armée, des sources de sécurité ont affirmé que M. Morsi et plusieurs dirigeants des Frères musulmans avaient été « interdits de quitter l'Egypte ». Parmi eux, le Guide suprême de la puissante confrérie Mohammed Badie et son "numéro 2" Khairat al-Chater.
Le jeu pervers égyptien
J’ai longuement analysé en décembre dernier la crise égyptienne (*), puis son évolution en avril de cette année (**).
Mon analyse a été constante depuis les premiers jours de 2011, loin des illusions, des analyses erronées à courte vue, et des médiamensonges sur le soi-disant « printemps arabe ». L’Egypte aujourd’hui voit l’aboutissement - provisoire ? - d’une crise entre les diverses fractions des domestiques égyptiens de Washington et de la CIA : les Frères Mulsulmans et OTPOR-Egypte (le pseudo « mouvement du 6 avril »). Tout cela après l’élimination de Moubarak il y a deux ans, lui aussi au service des USA.
Dans les émeutes égyptiennes – qui surfent sur la misère endémique et une crise économique dramatique, renforcée par l’incapacité à gouverner des Frères musulmans -, il y a une mise en scène impeccable et des techniciens de la subversion. Voir les affiches en Anglais des manifestants illettrés du Caire ou les ballets d’hélicoptères scénarisés de l’Armée… Et « Tamarod » - «rébellion», le mouvement qui a fait circuler une pétition pour demander une présidentielle anticipée – n’est rien d’autre qu’un avatar des réseaux OTPOR en Égypte !
La crise vient de révéler ce que personne ne voulait voir. Le roi est nu et la « démocratie » égyptienne est une grande tragi-comédie. Ce sont les généraux de l’armée – elle aussi made in USA (Un milliard 350 millions de dollars d’aide US annuelle) – qui tiennent, encore et toujours, la rue et le pays. Pour garantir une illusion de « pouvoir » fantoche au Caire. Que ces mêmes USA et leurs réseaux d’action formés par OTPOR-CANVAS ont arraché des mains d’un autre de leurs protégés, Moubarak …
Comme en janvier 2011 ou encore en avril 2013, ma conclusion est la même. L’Armée égyptienne rappelle aux analystes foireux des médias occidentaux qu’elle n’a jamais cessé d’être à la fois l’arbitre, le recours et le garant du « nouveau régime » égyptien. J’expliquais déjà cela au leadership de la Jamahiriya début février 2011 … Comme en Tunisie ou au Maroc, les USA tirent toutes les ficelles et agitent toutes les marionnettes. Cà la « démocratie » ?
Ce qui n’empêche pas ces mêmes analystes de pérorer à l’infini sur ces mêmes analyses que tout a démenti depuis deux ans. Ainsi Le Temps (Genève) ce jeudi, qui nous assène à nouveau un nauséabond « Le vrai Printemps arabe est en train de commencer » (sic) …
A ce jeu égyptien pervers du qui perd perd, Washington reste la grande gagnante.
Mais la crise égyptienne a aussi un autre gagnant inattendu. Mohamed Morsi a, comme de nombreux dirigeant arabes, appelé Bachar al-Assad à démissionner. La chute de Morsi et l’effondrement des Frères – qui aura des échos à Tunis, Tripoli, Ankara ou Doha - est donc, dans un contexte militaire et politique devenu globalement favorable au président syrien, une bonne nouvelle pour Damas …
(*) Combats de rue entre fractions égyptiennes pro-américaines, les frères musulmans et Otpor-égypte
sur http://www.elac-committees.org/2012/12/07/pcn-spo-combats-de-rue-entre-fractions-egyptiennes-pro-americaines-les-freres-musulmans-et-otpor-egypte/
(**) Encore et toujours l’escroquerie politique du soi-disant « printemps arabe»
sur http://www.elac-committees.org/2013/04/03/elac-alac-encore-et-toujours-l%e2%80%99escroquerie-politique-du-soi-disant-%c2%ab-printemps-arabe-%c2%bb-%e2%80%a6/