Evo Morales a promulgué la loi électorale
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Le président Evo Morales a promulgué le mardi 14 avril la loi électorale qui régira les élections de décembre 2009 lors d’une journée qu’il a qualifiée d’ « inoubliable, d’autre date mémorable » pour le peuple bolivien.
Le président bolivien, qui était en grève de la faim depuis le jeudi 9 dernier, a rappelé plusieurs réformes de sa gestion gouvernementale que les opposants ont, selon lui, tenté de freiner avec des recours en inconstitutionnalité, y compris la nationalisation des hydrocarbures, fer de lance de ses propositions de développement national.
La loi électorale promulguée par Morales est la première qui consacre le droit de vote aux Boliviens vivant à l’étranger, réserve un nombre de sièges aux représentants des régions indigènes défavorisées et promet l’élaboration d’un nouveau registre électoral biométrique, des points d’achoppement entre partisans d’Evo et ses opposants qui ont tenu le pays dans l’incertitude durant ces derniers jours.
Nous publions la Réflection de Fidel Castro publié par Granma le 10 avril, au sujet de la situation boliviene:
Réflexions du compañero Fidel
NOUVELLES DE CHÁVEZ ET D’EVO
La situation tendue en Bolivie a occupé toute mon attention hier, jeudi.
À quoi s’ajoute, aujourd’hui vendredi, un fait très intéressant : l’arrivée à Cuba d’Hugo Chávez, qui vient de Chine au terme d’une tournée réussie. Si, en Bolivie, l’oligarchie se heurte à un leader sérieux et solide de la taille d’Evo Morales, au Venezuela, les adversaires de la Révolution bolivarienne qui plaçaient tous leurs espoirs dans le coup que la crise économique internationale assénerait au pays, comprendront que la lutte de Chávez pour le socialisme est capable de surmonter n’importe quel obstacle. Il a promis de maintenir les conquêtes et les grandes avancées sociales, de poursuivre au même rythme l’industrialisation du pays et de convertir le Venezuela en modèle de pays industrialisé assorti de justice sociale, qui servira d’exemple et d’inspiration au Tiers-monde.
Sa tournée en Chine et au Japon, alors que la crise frappe toutes les nations du monde, est un vrai exemple de stratégie politique. Il avait participé auparavant au Sommet entre l’Amérique du Sud et les pays arabes, deux parties du monde qui possèdent ensemble d’énormes ressources naturelles. Il a vu au Japon, l’un des pays les plus industrialisés au monde et au plus grand potentiel économique, un important marché pour les produits vénézuéliens. Il a surtout déduit avec clarté que la Chine sera, grâce à son développement accéléré, la plus grande puissance économique de la Terre, un bastion incontournable du commerce mondial et un point d’appui pour les pays du Tiers-monde qui ont été discriminés et exploités par les puissances capitalistes les plus riches.
Les dépêches du 8 faisaient état des accords souscrits aux termes des conversations soutenues entre le président vénézuélien Hugo Chávez et le président chinois Hu Jintao.
Celles d’hier, 9 avril, informaient des activités que le président Chávez avait réalisées à la demande du président chinois, à la veille de son départ.
Elles commentaient longuement ses activités en Chine :
- « Le président vénézuélien Hugo Chávez a affirmé aujourd’hui avoir décidé avec son homologue chinois Hu Jintao de renforcer leur coopération afin que la Chine puisse recevoir en 2010 un million de barils de pétrole par jour.
- « "Je lui ai aussi proposé, face à la situation de crise mondiale, d’analyser la possibilité d’avancer l’objectif fixé dans l’Accord stratégique pour 2013", a dit Chávez à la centaine de dirigeants nationaux, provinciaux et locaux de l’École du Parti communiste de Chine qui l’ont applaudi.
- « Assurer ces livraisons, construire une raffinerie vénézuélienne en Chine et créer une compagnie maritime mixte pour le transport du pétrole brut, tels ont été les objectifs prioritaires de la visite de Chávez.
- « Le président vénézuélien a estimé aujourd’hui "indispensable" de bâtir une plateforme d’alliance entre la Chine, d’une part, l’Amérique latine et les Caraïbes de l’autre.
- « Il a conclu sa visite aujourd’hui par une réunion avec le vice-président chinois Xi Jinping, que l’on considère comme le successeur éventuel de Hu Jintao à la tête du Parti communiste chinois au prochain Congrès de 2012.
- « Xi est le recteur de l’École qui forme tous les dirigeants du Parti depuis la création de la République populaire de Chine en 1949 et que Chávez a visitée aujourd’hui.
- « "La Chine sait voir loin. À peine quelques mois au gouvernement, et j’étais déjà ici, et nous avons engagé avec Jiang Zemin une relation à laquelle nous avons décidé avec Hu de donner un nouveau dynamisme stratégique".
- « Chávez a dit hier à Hu, à leur réunion au Grand Palais du peuple, que "la Chine était le moteur le plus grand qui existe pour sortir le monde de la crise".
- « Il a affirmé aujourd’hui à l’École que "si Washington a été la capitale du monde impérial, Beijing est maintenant une des grandes capitales du monde multipolaire".
- « "Nous sommes en train de fonder notre École du parti, un parti qui n’a qu’une année de vie, et son noyau fondateur doit passer par là, parce que nous commençons à constituer un grand parti doté d’une idéologie claire, le socialisme", a-t-il affirmé. »
Le président Chávez me fera l’honneur de me rendre visite vers deux heures de l’après-midi. Je brûle d’envie de connaître les détails de son voyage à l’étranger qui a duré plus de douze jours, ce qui prouve sa confiance illimitée dans son peuple, dans sa conscience socialiste croissante et dans les cadres restés au pays.
Des nouvelles me parviendront sûrement dans la journée de Bolivie et de la bataille politique d’Evo et de son peuple. Je continuerai d’écrire, en m’efforçant d’être le plus bref possible devant tant de nouvelles.
J’ai téléphoné à Dausá à 13 h 15. Il m’apprend qu’Evo n’a pas encore pris de repos à sept heures du matin où on lui a fait parvenir mes Réflexions d’aujourd’hui. Il s’en est réjoui et il les a lues devant les journalistes. Il est satisfait que je suive de près la situation. Il a dormi ensuite deux ou trois heures.
Dausá me donne plus de précisions sur le fonctionnement du Parlement. Aussi bien à la Chambre de 130 députés où le parti d’Evo jouit d’une large majorité, qu’au Sénat de 27 membres, où l’opposition est majoritaire, les lois sont votées à la majorité simple.
Mais la Loi de transition électorale, elle, doit être votée à la majorité dans les deux Chambres. Comme elle dispose de plus de sénateurs, l’oligarchie bloque son adoption, posant des conditions inacceptables, comme un nouveau recensement électoral, la réduction à presque rien de la quantité de circonscriptions spéciales destinées à la population indigène et créées par la nouvelle Constitution bolivienne que le peuple a adoptée récemment par référendum et enfin la mise en place de restrictions considérables à la possibilité de vote des Boliviens vivant à l’étranger et qui sont dans leur majorité des sympathisants d’Evo.
L’oligarchie prétend par ces exigences enlever au président bolivien le soutien populaire croissant dont il jouit.
Tandis que l’on négocie une solution : la diminution éventuelle à la moitié des quatorze députés indigènes qu’avait proposés Evo au départ, bien que l’opposition n’en accepte que trois, des intrigues commencent à courir selon lesquelles le président indien serait en train de trahir ses gens. Il s’agit par là de réduire ses forces, ce que vise aussi la contestation du recensement électoral actuel, afin de remettre en cause le droit de sept cent mille électeurs boliviens, ainsi que les limitations et les entraves que l’on veut imposer aux Boliviens vivant à l’étranger.
Logiquement, Evo refuse de suspendre les élections et de priver un grand nombre de Boliviens de la possibilité de voter en acceptant la remise en cause d’un recensement électoral dont la qualité a été reconnue par des organismes internationaux comme l’un des meilleurs d’Amérique latine. À 14 h 05, j’ai écouté Evo à la télévision, serein, éloquent, persuasif.
On ne peut ne pas le reconnaître et l’appuyer. La grève de faim ne porte atteinte en rien à ses capacités intellectuelles : « Je ne cherche pas le pouvoir pour moi, je cherche le pouvoir pour les organisations sociales », ne cesse-t-il de répéter. Ses réponses à la presse sont vraiment éloquentes.
Dausá me fait savoir que nombre des parlementaires de l’opposition, surtout ceux de Santa Cruz, sont repartis dans leurs départements pour y passer le vendredi saint et le reste de la Semaine sainte, tels de pieux croyants.
Evo, de son côté, maintient son attitude auprès d’un groupe de dirigeants qui l’accompagnent au Palais du gouvernement. Mais il a demandé à tous ses partisans dans le reste du pays qui sont en grève eux aussi de la suspendre jusqu’à lundi, afin de pouvoir être avec leurs familles durant le week-end.
Notre journal télévisé de midi apporte aussi une agréable information : notre ami Bouteflika a été réélu pour un troisième mandat constitutionnel par 90 p. 100 des voix. C’est une bonne nouvelle pour Cuba, ce qui nous rappelle l’importance de la solidarité avec d’autres peuples qui enrichit tant notre histoire depuis les premiers jours de la Révolution.
Chávez est arrivé à 15 h 55, avec Luis Reyes Reyes, ministre de la Présidence, qui l’a accompagné pendant le voyage, Rafael Ramírez, ministre de l’Energie et du Pétrole, et Nicolás Maduro, ministre des Affaires étrangères. A peine assis, il me raconte ses impressions.
Il est ravi de sa réunion avec le président chinois Hu Jintao. Il me parle du vaste dialogue soutenu durant sa visite de travail, du dîner ultérieur qu’il lui a offert au Palais du peuple et de sa visite à l’historique École des cadres du Parti communiste de Chine que lui avait suggérée le président. Il a échangé des vues avec le vice-président chinois et recteur de l’Ecole, Xi Jinping, qui lui a fait une profonde impression. Il avait déjà fait sa connaissance au Venezuela où il était allé à titre de vice-président.
Il s’est aussi entretenu avec son ami Chen Yuan, président de la Banque de développement chinoise, fils de celui qui avait été président du pays à la première étape révolutionnaire. Il a aussi conversé avec le ministre des Affaires étrangères. Il fait de grands éloges du talent et des méthodes de travail des hauts dirigeants chinois, en particulier de Hu Jintao.
Les réunions et les visites se sont réalisées avec ou sans la presse. Il a donné des interviews. Grâce aux dépêches publiées par les agences, il a précisé ce qu’il a dit exactement et ce qui est le fruit d’une traduction ou d’une interprétation de ses paroles. Les agences ont largement divulgué ses activités.
Il est rentré par Vancouver, dans la direction inverse. Le vol avec son escale a duré seize heures, la moitié du temps au-dessus des États-Unis dont les autorités n’ont pas fait obstacle au survol de l’IL-96 de Cubana de Aviación. Il a aussi raconté des détails des visites et rencontres au Qatar, en Iran et au Japon. Il a eu des conversations avec de nombreux dirigeants. Il a consacré plusieurs minutes aux saluts envoyés par nombre de ses interlocuteurs. Sur ce point, il est rigoureux. Il ne voulait en oublier aucun, surtout ceux des dirigeants chinois.
Nous avons abordé bien des points durant notre réunion de 2 h 50. Je lui ai dit que la Chine s’orientait vers l’utilisation du yuan comme devise qui n’est pas dévaluée artificiellement pour s’imposer à la concurrence, comme le lui critiquent ses adversaires, mais parce que sa capacité compétitive s’élève progressivement.
Paul Krugman, le prix Nobel d’économie, estime qu’il se peut qu’à sa prochaine réunion périodique au cours de laquelle le caractère de devise convertible est assigné à un certain nombre de monnaies, le Fonds monétaire international inclue le yuan aux côtés du dollar, de l’euro, de la livre sterling et d’autres monnaies. Ceux qui dirigent l’économie mondiale ne peuvent continuer de l’ignorer.
Evo ne peut manquer dans notre échange. Je lui ai expliqué en détails l’information que je possédais, son excellent état d’esprit et sa disposition à poursuivre la grève jusqu’aux dernières conséquences. Il lui a téléphoné et lui a exprimé sa solidarité totale. Il a parlé finalement de sa prochaine visite en Argentine. Il a demandé des informations sur le Sommet de Trinité-et-Tobago et sur la position de Daniel qui interviendra avec Cristina à son inauguration. Je lui ai dit ce que je savais.
J’ai téléphoné à Dausá à 21 h 54 pour avoir des nouvelles.
Le Congrès, convoqué à 19 h, n’a pu se réunir faute de quorum. Il a été de nouveau convoqué à 20 h 30, mais toujours pas de quorum. Les chaînes de télévision montraient alors les parlementaires de l’opposition qui avaient regagné leurs départements. García Lineras a regretté cette absence et affirmé que cette attitude frisait le délit, et il a dit qu’il convoquerait de nouveau le Congrès demain samedi à 12 h 30. Qu’il n’y aura aucune autre activité au Congrès tant que la loi ne serait pas votée.
Evo va bien. Le médecin qui l’accompagne l’a ausculté. Malgré l’appel du président à ce qu’ils la suspendent jusqu’à lundi, les dirigeants des divers départements l’ont poursuivie par solidarité avec lui. Selon le secrétaire général de la Centrale ouvrière bolivienne, on compte aujourd’hui 1 027 grévistes dans 96 groupes.
Les dirigeants de la Coordinatrice nationale pour le changement et de la Centrale ouvrière bolivienne ont affirmé en conférence de presse que, si les parlementaires continuaient de boycotter le Congrès, ils engageraient des actions légales contre eux. Dausá m’informe qu’il rendra visite au président ce soir et qu’il mettra quarante minutes pour se rendre de l’ambassade au palais. Je lui ai promis de téléphoner pour saluer Evo.
Je l’ai fait à 22 h 20. Il a aussitôt passé le portable à Evo. Et j’ai eu le plaisir d’écouter sa voix sereine, mais résolue ; il a confiance dans la justice de sa cause. Je lui ai dit que j’étais heureux de le savoir en bonne santé. Je l’ai félicité pour sa fermeté et ses paroles sereines et éloquentes qui n’insultent ni ne blessent personne. Je lui ai parlé de la visite de Chávez et de son attitude solidaire avec lui-même et avec la Bolivie. Je lui ai transmis un message de solidarité et de confiance en sa victoire.
Fidel Castro Ruz
Le 10 avril 2009
23 h 02