Le Grand soir, 17 mars 2012



La réémergence de la Chine en tant que puissance mondiale - 2ème partie
James Petras


La 1ère partie:
http://fr.ossin.org/chine/chine-puissance-mondiale-pillage-imperialiste-capitalisme-chinoise.html


LA TRANSITION chinoise vers le capitalisme

A partir de 1980, le gouvernement chinois a opéré un changement dramatique dans sa stratégie économique : Au cours des trois décennies suivantes il a ouvert le pays à des investissements étrangers d’envergure ; il a privatisé des milliers d’industries et il a mis en place une politique délibérée de concentration des revenus dans le but de récréer une classe économique dominante de milliardaires liés aux capitalistes étrangers. Le projet de la classe politique chinoise dirigeante était "d’emprunter" les connaissances techniques nécessaires pour entrer sur les marchés étrangers par l’intermédiaire des entreprises étrangères à qui ils fourniraient une abondante main d’oeuvre bon marché. L’état chinois a redirigé des subventions publiques massives pour générer une haute croissance capitaliste en démantelant son système national gratuit de soins et d’éducation. Il a cessé de subventionner la construction des habitations de centaines de millions de paysans et d’ouvriers d’usines pour fournir des fonds à des spéculateurs immobiliers pour construire des appartements de luxe privés et des gratte-ciel de bureaux. La nouvelle stratégie capitaliste chinoise, de même que sa croissance à deux chiffres, s’est enracinée dans les profonds changements structurels et les investissements publics massifs rendus possibles par l’ancien gouvernement communiste. "L’envolée" du secteur privé chinois a eu comme fondement les immenses dépenses publiques consenties depuis 1949.


La nouvelle classe capitaliste triomphante et ses collaborateurs occidentaux se sont vantés d’être les artisans du "miracle économique" de la Chine et de son ascension à la seconde place dans l’économie mondiale. Cette nouvelle élite chinoise est moins pressée de mentionner la place de la Chine en ce qui concerne les brutales inégalités de classes car on ne trouve pire qu’aux Etats-Unis.


LA CHINE : De la soumission aux impérialistes à la compétitivité internationale

La croissance soutenue du secteur industriel de la Chine a été le résultat d’investissements publics très ciblés, de profits élevés, d’innovations techniques et d’un marché intérieur protégé. Le capital étranger a fait bien sûr des profits mais toujours dans le cadre des priorités et des règles de l’état chinois. La "stratégie d’exportation" dynamique du régime a produit d’énormes surplus commerciaux qui ont fait de la Chine un des plus grands créanciers de la planète et surtout des Etats-Unis. Pour maintenir sa dynamique industrielle, la Chine a du importer de grands quantités de matières premières ce qui l’a conduit à faire des investissements importants à l’étranger et à conclure des accords commerciaux avec des pays exportateurs de minerais et de produits agricoles comme l’Afrique et l’Amérique Latine. Dès 2010, la Chine, supplantant les Etats-Unis et l’Europe, est devenue le principal partenaire de beaucoup de pays d’Asie, d’Afrique, et d’Amérique Latine.


La Chine moderne, comme celle de 1100 à 1800, est devenue une puissance économique mondiale grâce à sa prodigieuse capacité de production. Le commerce et les investissements se faisaient dans le cadre d’une stricte politique de non-ingérence dans les affaires intérieures de leurs partenaires commerciaux. A la différence des Etats-Unis, la Chine n’a pas mené des guerres sans merci pour le pétrole ; au contraire elle a signé des contrats lucratifs. Et la Chine ne fait pas la guerre dans l’intérêt des Chinois de l’étranger comme les Etats-Unis ont fait pour Israël au Moyen-Orient.


Le rapport entre la puissance économique chinoise et sa puissance militaire est à l’opposé de celui des Etats-Unis, un gros empire militaire parasite dont l’influence économique internationale continue de diminuer.


Les dépenses militaires des Etats-Unis sont 12 fois supérieures à celles de la Chine. L’armée étasunienne tient le rôle principal dans les efforts de Washington pour empêcher la Chine de devenir une puissance mondiale.


L’ASCENSION de la Chine : L’histoire va-t-elle se répéter ?

La croissance de la Chine a été d’environ 9% par an et la qualité et la valeur de ses produits augmentent rapidement. Au contraire, les Etats-Unis et l’Europe ont stagné autour de 1% de croissance de 2007 à 2012. Les créatifs savants et techniciens chinois ont assimilé les dernières inventions occidentales (et japonaises) et les ont améliorées, diminuant ainsi leur coût de production. La Chine a remplacé les "institutions financières internationales" contrôlées par les Etats-Unis et l’Europe (le FMI, la banque mondiale et la banque interaméricaine de développement) comme principal prêteur de l’Amérique Latine. La Chine continue d’être le premier investisseur dans les ressources minières et l’énergie africaines. La Chine a pris la place des Etats-Unis comme premier partenaire commercial d’Arabie Saoudite, du Soudan, premier acheteur de pétrole iranien et est en passe de devenir aussi le premier acheteur de produits pétroliers vénézuéliens. Aujourd’hui la Chine est le premier fabriquant et exportateur mondial, dominant même le marché étasunien tout en jouant le rôle de bouée de sauvetage financière grâce à ses 1300 milliards de dollars de bonds du trésor étasuniens.


Sous la pression des travailleurs, des fermiers et des paysans, les dirigeants chinois ont développé le marché intérieur en augmentant les salaires et les dépenses sociales pour rééquilibrer l’économie et éviter le spectre de l’instabilité sociale. Au contraire, aux Etats-Unis, les salaires et les services publiques vitaux ont décliné de façon alarmante en termes absolus et relatifs.


Tout cela laisse présager que la Chine va prendre la place des Etats-Unis comme première puissance économique mondiale dans les dix années qui viennent, si l’empire étasunien ne l’attaque pas et si les profondes inégalités de classe chinoises ne provoquent pas un soulèvement général.


De sérieuses menacent pèsent sur l’ascension de la Chine dans le monde. Contrairement à ce qui s’est produit dans le passé, la puissance économique de la Chine moderne n’est pas accompagnée de visées impérialistes. La Chine est sérieusement en retard par rapport aux Etats-Unis et à l’Europe pour ce qui concerne la capacité de mener des guerres de conquête. Cela a sans doute permis à la Chine d’utiliser plus de financement pour générer de la puissance économique mais la Chine est aujourd’hui sans défense devant la supériorité militaire étasunienne, son énorme arsenal, ses bases avancées et ses positions géo-militaires stratégiques au large des côtes chinoises et dans les territoires adjacents.


Au 19ième siècle, l’impérialisme britannique a détruit la position de la Chine sur la scène internationale grâce à sa supériorité militaire en saisissant les ports chinois - à cause de la confiance de la Chine dans sa "supériorité commerciale".


La conquête de l’Inde, de la Birmanie et de la plus grande partie de l’Asie a permis à l’Angleterre d’établir des bases coloniales et de recruter des armées locales de mercenaires. Les Anglais et leurs alliés mercenaires ont encerclé et isolé la Chine, ce qui a déstabilisé le marché chinois et permis d’imposer de brutaux accords commerciaux. L’armée de l’empire britannique dictait à la Chine ce qu’elle devait importer (et l’opium représentait 50% des exportations anglaises dans les années 1850) tout en neutralisant sa plus grande compétitivité par des tarifs préférentiels.


Aujourd’hui les Etats-Unis poursuivent la même politique : la flotte étasunienne patrouille et contrôle les voies commerciales maritimes de la Chine et ses ressources en pétrole off-shore à partir de ses bases. La Maison Blanche de Obama et Clinton est en train de préparer une réponse militaire rapide, à partir de ses bases en Australie, Philippines, et ailleurs en Asie. Les Etats-Unis intensifient leurs efforts pour gêner l’accès chinois aux ressources étrangères stratégiques tout en soutenant les séparatistes "issus de peuple" et les "insurgés" en Chine occidentale, Tibet, Soudan, Birmanie, Iran, Libye, Syrie et ailleurs. Les accords militaires étasuniens avec l’Inde et la mise en place d’un régime fantoche interchangeable au Pakistan ont fait progresser ses efforts pour isoler la Chine. La Chine est fidèle à sa politique de "développement harmonieux" et de "’non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays" et elle est restée neutre quand l’armée impérialiste des Etats-Unis et de l’Europe a attaqué un des partenaires commerciaux chinois dans le but principal de contrecarrer l’expansion commerciale pacifique de la Chine.


La Chine n’a pas de stratégie politique et idéologique pour protéger ses intérêts économiques à l’étranger et cela a encouragé les Etats-Unis et l’OTAN à mettre en place des régimes hostiles à Pékin. L’exemple le plus frappant est celui de la Libye où les Etats-Unis et l’OTAN sont intervenus pour renverser un gouvernement indépendant dirigé par le président Kadhafi avec qui la Chine avait signé des accords commerciaux s’élevant à plusieurs milliards de dollars. Le bombardement des villes, ports et installations pétrolières de la Libye par l’OTAN a forcé la Chine à rapatrier 35 000 ingénieurs du pétrole et ouvriers de la construction Chinois en quelques jours. La même chose est arrivée au Soudan où la Chine avait investi des milliards pour développer l’industrie du pétrole. Les Etats-Unis, Israël et l’Europe ont armé les rebelles soudanais pour désorganiser la production de pétrole et attaquer les Chinois qui travaillaient dans le pétrole. Dans les deux cas la Chine a laissé les impérialistes étasuniens et européens attaquer ses partenaires commerciaux et endommager ses investissements sans réagir.


Sous Mao Zedong, la Chine contrecarrait activement l’agression impériale. Elle soutenait des mouvements révolutionnaires et des gouvernements indépendants du Tiers Monde. Aujourd’hui la Chine ne soutient plus activement des gouvernements ou des mouvements capables de protéger ses accords commerciaux et ses investissements à l’étranger. L’incapacité de la Chine à s’opposer à la montée de l’agression militaire étasunienne contre ses intérêts économiques est due à de profonds problèmes structuraux. La politique étrangère de la Chine repose sur de gros intérêts commerciaux, financiers et industriels qui comptent sur leur "compétitivité économique" pour gagner des parts de marché et qui ne comprennent rien aux fondements militaires et sécuritaires de la puissance économique mondiale. La classe politique chinoise est profondément influencée par une nouvelle classe de milliardaires qui ont des liens étroits avec les fonds d’équité occidentaux et qui ont absorbé les valeurs occidentales sans les remettre en question. La preuve, ils envoient leurs enfants étudier dans les universités élitistes des Etats-Unis et d’Europe. Ceux-là veulent "s’entendre avec l’Occident" à tous prix. Comme ils ne comprennent pas bien comment on construit un empire militaire, ils ne réagissent pas comme il le faudrait à chaque fois que les Impérialistes entravent leur accès aux ressources et aux marchés. L’approche "les affaires avant tout" de la Chine a peut-être été la bonne tant qu’elle était un pion sur l’échiquier économique mondial et que les impérialistes étasuniens considéraient son "ouverture au capitalisme" comme une occasion de mettre la main sur les entreprises publiques chinoises et de piller son économie. Mais quand la Chine (à la différence de l’ancienne URSS) a décidé de garder le contrôle des capitaux et de développer une "politique industrielle" planifiée et contrôlée par l’état en redirigeant les capitaux occidentaux et le transfert des technologies vers des entreprises d’état qui ont réussi à pénétrer les marchés intérieurs et étrangers étasuniens, Washington a commencé à protester et à parler des mesures de rétorsion. Les énormes surplus commerciaux de la Chine par rapport aux Etats-Unis ont provoqué une réaction à deux tranchants de la part de Washington. Washington a vendu de grandes quantités de bons du trésor étasuniens aux Chinois et a commencé à développer une stratégie globale pour enrayer l’avancée de la Chine. Comme les Etats-Unis n’avaient pas la capacité économique d’empêcher le déclin de leur pays , ils ont eu recours à leur seul "avantage comparatif" —leur supériorité militaire basée sur un réseau de bases offensives réparties sur toute la planète, de régimes clients, d’ONG et de mercenaires idéologiques ou armés. Washington s’est tourné vers son vaste appareil de sécurité visible et invisible pour nuire aux partenaires commerciaux de la Chine. Washington compte sur ses relations de longue date avec des leaders corrompus, des opposants, des journalistes et des nababs médiatiques pour qu’une puissante couverture de propagande soit déployée pendant que son offensive militaire contre les intérêts chinois à l’étranger progresse.


La Chine ne possède rien de comparable à l’appareil planétaire de sécurité étasunien parce qu’elle pratique une politique de non-ingérence. Elle n’a opposé à l’offensive en bonne voie de l’Occident impérialiste, que quelques initiatives diplomatiques comme des tracts en anglais pour expliquer sa politique, l’utilisation de son droit de veto au Conseil de Sécurité de l’ONU pour contrecarrer les efforts des Etats-Unis visant à renverser le régime indépendant d’Assad en Syrie et pour s’opposer aux sanctions drastiques contre l’Iran. Elle s’est aussi insurgée vigoureusement quand la secrétaire d’état Hilary Clinton a exprimé des doutes au vitriol sur la "légitimité" de l’état chinois suite à son vote contre la résolution des Etats-Unis et de l’ONU préparant une attaque contre la Syrie.


Les stratèges militaires chinois sont de plus en plus conscients, et inquiets, de l’intensification de la menace militaire contre la Chine. Ils ont demandé et obtenu une hausse de 19% du budget militaire au cours des 5 dernières années (2011-2015). Mais même avec cette augmentation, le budget militaire de la Chine est encore 5 fois inférieur à celui des Etats-Unis et la Chine n’a pas de base à l’étranger tandis que les Etats-Unis en ont 750. Les opérations des services secrets chinois à l’étranger sont quasi-nulles. Ses ambassades sont gérées par et pour des intérêts commerciaux à courte vue qui n’ont rien compris à la brutale politique de changement de régime de l’OTAN contre la Libye et ont négligé d’informer Beijing de ce que cela signifiait pour l’état chinois.


Il y a deux autres faiblesses structurelles qui empêchent la Chine de devenir une puissance mondiale. Elles proviennent de l’intelligentsia hautement "occidentalisée" qui a avalé sans discernement la doctrine économique des Etats-Unis sur la libre circulation des produits en ignorant la militarisation de son économie. Ces intellectuels chinois répètent comme des perroquets la propagande étasunienne sur "les vertus démocratiques" des campagnes électorales présidentielles qui coûtent des milliards de dollars tout en soutenant une déréglementation financière qui aurait permis à Wall Street d’engloutir les banques et les avoirs chinois. De nombreux intellectuels et consultants d’affaire ont été formés aux Etats-Unis et sont influencés par leurs liens avec des universitaires étasuniens et des institutions financières internationales directement liées à Wall Street et à la City de Londres. Ils ont prospéré et sont devenus des consultants grassement payés qui ont des postes prestigieux dans les institutions chinoises. Ils identifient la "libéralisation des marchés financiers" avec "les économies de pointe" qui selon eux permettraient de mieux s’intégrer au marché mondial au lieu de les considérer comme la source principale de la crise financière économique mondiale actuelle. Ces "intellectuels occidentalisés" ressemblent aux "Compradores" du 19ième siècle qui sous-estimaient, pour ne pas dire niaient, les conséquences à long terme de la pénétration impériale occidentale. Ils ne comprennent pas que la déréglementation financière aux Etats-Unis a causé la crise actuelle ni qu’elle aboutirait à la main mise de l’Occident sur le système financier chinois —qui aurait pour conséquence de rediriger l’épargne intérieure chinoise vers des activités non productives (la spéculation immobilière), de causer une crise financière et finalement d’empêcher la Chine d’atteindre une position dominante.


Ces cadres branchés* chinois imitent le style consumériste occidental dans ses pires aspects et leurs opinions politiques découlent de ce style de vie et de leur identification aux Occidentaux qui les rendent incapables de la moindre solidarité avec leur propre classe ouvrière.


Il y a un fondement économique aux sentiments pro-occidentaux des néo-compradores chinois. Ils ont transféré des milliards de dollars sur des comptes en banque étrangers, acheté des maisons et appartements luxueux à Londres, Toronto, Los Angeles, Manhattan, Paris, Honk Kong, et Singapour. Ils ont un pied en Chine (la source de leur richesse) et l’autre en Occident (où ils consomment et cachent leur fortune).


Les compradores occidentalisés sont profondément intégrés dans le système économique chinois et ont des liens familiaux avec les dirigeants politiques, les membres de l’appareil du parti et de l’état. Moins étroits sont leurs liens avec l’armée et avec les mouvements sociaux grandissants, même si certains étudiants "dissidents" et intellectuels militants du "mouvement démocratique" sont soutenus par les ONG impérialistes occidentales. En gagnant de l’influence les compradores affaiblissent les puissantes institutions économiques de l’état qui sont à l’origine de la percée de la Chine comme puissance économique internationale, exactement comme au 19ième siècle quand ils servaient d’intermédiaire à l’empire britannique. Au 19ième siècle, sous couvert de "libéralisme", les Anglais ont rendus plus de 50 millions de Chinois dépendants de l’opium en moins d’une décennie. Aujourd’hui, sous couvert de "démocratie et de droits humains" les navires étasuniens patrouillent au large des côtes chinoises. Les élites qui ont piloté l’ascension de la Chine ont créé des inégalités monumentales entre les milliers de nouveaux milliardaires et multi-millionaires au sommet et les centaines de millions de travailleurs, de paysans et de travailleurs émigrés appauvris tout en bas.


La rapide accumulation de richesse des Chinois s’est faite à travers l’intense exploitation des travailleurs qui furent dépouillés du filet de sécurité sociale et de la réglementation du travail que le communisme leur garantissait. Des millions de familles chinoises sont aujourd’hui dépossédées au profit des promoteurs/spéculateurs immobiliers qui construisent des tours de bureaux et d’appartements luxueux pour l’élite locale et étrangère. Ces caractéristiques brutales du capitalisme chinois ont fait naître une revendication massive et grandissante qui concerne à la fois le travail et le logement. Le slogan des promoteurs/spéculateurs : "S’enrichir est merveilleux" ne trompe plus personne. En 2011 il y a eu plus de 200 000 mouvements populaires dans les usines des villes de la côte et dans les villages ruraux. La prochaine étape sera sans nulle doute, l’unification de ces luttes en nouveaux mouvements sociaux nationaux qui au nom de la lutte des classes exigeront qu’on leur rende les services de santé et d’éducation qu’ils avaient sous le régime communiste ainsi qu’une plus grande partie de la richesse de la Chine. La lutte pour des augmentations de salaire peut se transformer en lutte pour plus de démocratie sur le lieu de travail. Pour répondre à ces demandes populaires, les nouveaux compradores libéraux occidentalisés de la Chine ne pourront pas proposer leur "modèle" américain en exemple car les travailleurs étasuniens sont en train d’être dépouillés de tout ce que les Chinois demandent maintenant qu’on leur rende.


La Chine déchirée par l’intensification des conflits de classe et des luttes politiques ne peut pas maintenir sa progression vers le leadership économique mondial. L’élite chinoise n’est pas en mesure d’affronter la menace militaire impérialiste étasunienne tout le temps que ses alliés, les compradores, font partie de l’élite libérale intérieure et d’autre part la société est profondément divisée avec une classe laborieuse de plus en plus hostile. Il faut mettre fin à l’exploitation sauvage des travailleurs chinois pour pouvoir affronter l’encerclement militaire étasunien de la Chine et la déstabilisation économique de ses marchés étrangers. La Chine possède d’énormes ressources. Avec des réserves se montant à 1 500 milliards de dollars, la Chine peut financer un service national de santé et d’éducation publique pour tout le pays.


La Chine a les moyens de mettre en place un "programme de logements publics" pour les 250 millions de travailleurs émigrants qui vivent dans une misère noire. La Chine peut imposer un système d’impôts progressifs à ses milliardaires et millionnaires et financer des coopératives pour les petits fermiers et des industries rurales pour rééquilibrer l’économie. Le programme de développement de l’énergie alternative comme les panneaux solaires et les éoliennes est un premier pas vers la solution du grave problème de la pollution. La dégradation de l’environnement et les problèmes de santé qu’elle entraîne inquiètent des dizaines de millions de personnes. Finalement la meilleure défense de la Chine contre les conquêtes impérialistes, est encore un régime stable basé sur la justice sociale pour ses centaines de millions d’habitants et une politique étrangère de soutien des mouvements et régimes étrangers opposés aux puissances impérialistes et dont l’indépendance est vitale pour la Chine. Ce qu’il faut, c’est une politique active basée sur des entreprises militaires conjointes et mutuellement profitables et de la solidarité diplomatique. Il y a déjà un petit groupe d’intellectuels chinois qui a soulevé la question de la menace militaire étasunienne grandissante et qui "dit non à la diplomatie à la pointe du canon".


La Chine moderne a beaucoup de ressources et d’avantages dont ne disposait pas la Chine du 19ième siècle quand l’empire britannique l’a soumise. Si les Etats-Unis continuent leur politique agressive d’escalade militaire contre la Chine, Beijing peut déclencher une sérieuse crise fiscale en mettant sur le marché une partie des centaines de milliards de bonds du trésor étasunien qu’elle détient. La Chine, une puissance nucléaire, devrait s’allier avec un voisin qui a lui aussi l’arme atomique et qui lui aussi est menacé, la Russie, pour affronter et faire taire la belliqueuse et vociférante secrétaire d’état américaine, Hilary Clinton. Le président de la Russie, Poutine, va augmenter ses dépenses militaires de 3 à 6% du PIB pendant la prochaine décennie pour contrecarrer l’offensive des bases de missiles de Washington aux frontières russes et enrayer les tentatives du régime d’Obama de renverser des gouvernements alliés comme celui de la Syrie.


La Chine a de puissants réseaux commerciaux, financiers et d’investissement dans le monde ainsi que des partenaires économiques puissants. Ces liens sont devenus essentiels pour la croissance de beaucoup de pays du monde développé. En s’attaquant à la Chine, les Etats-Unis devront faire face à l’opposition de nombreux membres de la puissante élite internationale qui tire profit du marché. Peu de pays et peu de leurs élites veulent prendre le risque de lier leur destin à un empire économiquement instable qui se maintient grâce à de destructrices occupations militaires coloniales.


En d’autres termes, la Chine moderne, en tant que puissance internationale, est incomparablement plus forte qu’au début du 18ième siècle. Les Etats-Unis n’ont pas la puissance coloniale que l’empire britannique possédait après les Guerre de l’Opium. De plus, de nombreux intellectuels chinois et la vaste majorité des citoyens chinois n’ont aucunement l’intention de laisser les "compradores occidentalisés" d’aujourd’hui vendre leur pays. Rien n’accélèrerait davantage le clivage politique de la société chinoise ni ne hâterait plus l’avènement d’une seconde révolution sociale chinoise que des dirigeants timorés qui se soumettraient à une nouvelle ère de pillage impérialiste occidental.



James Petras est un professeur de sociologie de Binghamton University, New York, à la retraite. Il lutte depuis 50 ans pour l’égalité et conseille les sans-terre et sans-travail du Brésil et d’Argentine. Il a co-écrit Globalization Unmasked (Zed Books). Son dernier livre est : The Arab Revolt and the Imperialist Counterattack.


Pour consulter l’original et les notes :
http://dissidentvoice.org/2012/03/chinas-rise-fall-and-re-em...


Traduction : Dominique Muselet pour LGS


Note : *Dans le texte : yuppy : Young urban professional


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