Opération «humanitaire» Laurent Gbagbo
Les dessous du bras de fer Compaoré/Sarkozy sur l’option militaire française à Abidjan
Jean Marc Soboth


Contrairement à l’apparence, l’opération militaire multinationale visant à renverser le président Laurent Gbagbo «par tous les moyens» ne s’est pas déroulée dans une ambiance unanimiste. Le chantage de l’Élysée aurait joué le rôle central auprès des alliés africains


Bien que parrainant sans relâche son poulain sur la scène ivoirienne, actuel président de l’Assemblée nationale et chef rebelle Guillaume Soro, le président burkinabé Blaise Compaoré s’était, de source exclusive, opposé radicalement l’année dernière à une option militaire totale sur Abidjan, appuyée avec insistance par le président français Nicolas Sarkozy, pour renverser le président Laurent Gbagbo en guise de règlement du contentieux électoral en cours.

Ainsi, malgré toutes les assurances de «succès» que donnait Sarkozy, à savoir : le soutien politique de son «ami», le président américain Barack Obama, celui du président de l’Union Africaine (UA), Jean Ping, celui du Nigérian Goodluck Ebele A. Jonathan, l’implication directe des troupes de l’ONUCI/Force Licorne, des poursuites à la Cour Pénale Internationale (CPI) de Gbagbo et des apparatchiks du FPI s’ils restaient en vie après-coup, etc., le président Burkinabé demeurait dubitatif.

«Blaise» caressait l’idée d’une solution politique dont il serait sans doute à nouveau la pierre angulaire, attirant l’attention quant aux conséquences de l’option militaire sur les populations d’origine burkinabé en Côte d’Ivoire, de même que les autres ressortissants d’Afrique de l’Ouest résidant dans le pays.


Forces Nouvelles. Fort de l’expérience de la cafouilleuse rébellion nord-ivoirienne des Forces Nouvelles (FN) dont il avait «préparé» les chefs à Ouagadougou en plus de servir de base-arrière, «le beau Blaise» aurait notamment expliqué qu’ «en cas d’offensive militaire totale en Côte d’Ivoire, Burkinabés et assimilés seraient non seulement tués en masse, mais ne seraient plus jamais en sécurité dans ce pays pendant longtemps».
Il se peut qu’il ait également envisagé le contrecoup sur son image dans la sous-région d’autant qu’il eût été automatiquement indexé de pyromane.

Une telle posture aurait provoqué pas moins qu’une colère historique d’un Sarkozy «passant en formule chef de guerre».

De source digne de foi, le président français fut surtout obnubilé par l’idée de réussir à tout prix là où, fin 2004, son prédécesseur, Jacques Chirac, avait reculé in extremis, ou «échoué», préférant éviter un bain de sang à Abidjan -- que Sarkozy n’a pas hésité un seul instant à perpétrer.

Blaise Compaoré dont on soupçonne qu’il subissait à cet effet l’influence de son épouse ivoirienne, Chantal, aurait dû reculer devant l’intransigeance et la hargne affichée par Sarkozy à l’égard du régime de Laurent Gbagbo sans aucune considération pour les éventuels massacres civils – la Résolution 1975 du conseil de sécurité de l’ONU initiée par l’ambassadeur de la France, Gérard Araud, se voulait paradoxalement «humanitaire», visant (soi-disant) la protection des civils Ivoiriens.


Suspect. Entre les deux hommes déjà, le climat n’était pas si cordial. Sarkozy suspectait  le président burkinabé pour sa trop grande amitié pour son prédécesseur et ennemi, Jacques Chirac – que l’homme du Faso avait personnellement remis en contact avec le «frère Guide» libyen Mouammar el Kadhafi, à la demande de l’hôte de l’Élysée.

Le même Sarkozy a trouvé «Blaise» assez tiède quant à l’option militaire libyenne (Résolution 1973 introduite par le Français Gérard Araud) pour renverser le Guide libyen, «son ami» -- le «Bédouin du désert» vivant sous la tente et s’occupant à la lecture, à son rêve panafricain et à la famille, et n’exerçant aucun pouvoir officiel dans son pays. La Jamahiriya avait, en effet, gardé d’excellentes relations diplomatiques avec Ouagadougou et réalisé des investissements colossaux dans le pays; de même, le Guide s’était fait construire une résidence fabuleuse à Ouaga 2000, la nouvelle cité huppée…

Mais, Blaise, «l’exécutant» de Paris, connaît les règles du jeu. Il sait par cœur ce qu’il eut enduré s’il n’obtempérait pas. Il eut été immédiatement inscrit dans la liste noire des «dictateurs» selon Paris, livrés à la vindicte médiatique parisienne. Et éventuellement militaire...

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