Document, janvier 2015 - L’Allemagne n’a pas réglé ses réparations après 1990 – à l’exception des indemnités versées aux travailleurs forcés. Les crédits prélevés de force dans les pays occupés pendant la Seconde Guerre mondiale et les frais liés à l’Occupation n’ont pas non plus été remboursés. A la Grèce non plus






Conscience Citoyenne Responsable, 24 janvier 2015



L’Allemagne ne paye pas ces dettes … mais critique la Grece


L’Allemagne joue les donneuses de leçons sur la question de savoir s’il convient d’accorder de nouvelles aides à la Grèce. Le gouvernement se montre inflexible sur le mode : “Vous n’aurez de l’argent que si vous faites ce que nous vous demandons.” Cette attitude est-elle justifiée ?

Albrecht Ritschl réponds : « Non, absolument pas. Dans toute l’histoire récente, c’est l’Allemagne qui a connu les pires faillites d’État, au XXe siècle. Sa stabilité financière et son statut de bon élève de l’Europe, la République fédérale les doit uniquement aux Etats-Unis, qui, aussi bien après la Première Guerre mondiale qu’après la Seconde, ont renoncé à des sommes considérables. Malheureusement, on a un peu trop tendance à l’oublier. »
 
Entre 1924 et 1929, la république de Weimar a vécu à crédit et a même emprunté auprès des États-Unis l’argent dont elle avait besoin pour payer les réparations de la Première Guerre mondiale. Cette pyramide s’est effondrée pendant la crise de 1931. Il n’y avait plus d’argent. Les dégâts ont été considérables aux États-Unis et l’effet a été dévastateur sur l’économie mondiale.
 
Début 2010, lors d’un voyage en Allemagne, Theodoros Pangalos, alors vice-premier ministre, avait lancé une bombe sur les ondes de la BBC : « Ils ont pris les réserves d’or de la Banque de Grèce, ils ont pris l’argent grec et ne l’ont jamais rendu. C’est un sujet qu’il faudra bien aborder un jour ou l’autre. » En décembre de la même année, le secrétaire d’État aux finances hellènes, Philippos  Sahinidis, était allé plus loin en chiffrant la dette allemande envers son pays à 162 milliards d’euros, à comparer au montant de la dette grecque qui s’élevait à 350 milliards d’euros fin 2011.
 
Plus récemment, c’était au tour du héros de la Résistance Manolis Glezos, 89 ans, connu pour avoir décroché le drapeau nazi de l’Acropole en 1941, de réclamer le remboursement du prêt imposé à la Grèce par le régime nazi. « Avec les dommages de guerre », qu’Athènes se réserve toujours le droit de revendiquer, « c’est 162 milliards d’euros, sans les intérêts« , estime-t-il.
 
Combien doit l’Allemagne ? 81 milliards, comme le dit Cohn-Bendit ? 162 milliards, à en croire les revendications grecques ? 68 milliards comme l’affirme Le Point ? ou rien du tout, comme le soutient Berlin ? La bataille de chiffres qui entoure cette question est à la mesure de la complexité de la situation.
 
Nous sommes en 1941. Le 6 avril, la Wehrmacht envahit la Grèce. Elle y restera jusqu’en 1944. Dans son ouvrage Dans la Grèce d’Hitler, l’historien Mark Mazower estime que la Grèce est le pays qui a le plus souffert du joug nazi – derrière la Russie et la Pologne – et qu’elle a subi un « pillage systématique de ses ressources ». En 1941, les nazis imposeront en outre à la Banque centrale grecque, comme ils l’ont fait dans d’autres pays, un prêt de 476 millions de reichsmarks au titre des contributions à l’effort de guerre.
 
Cet « emprunt » ne sera jamais remboursé, pour la simple raison qu’il ne figure pas dans l’accord de Londres de 1953 qui fixe le montant des dettes extérieures contractées par l’Allemagne entre 1919 et 1945. Afin de ne pas répéter les erreurs du traité de Versailles et de ménager ce nouvel allié de l’Ouest face à la menace communiste, les États-Unis consentent à réduire la dette de l’Allemagne de moitié. Les victimes de l’Occupation sont priées d’oublier leurs demandes de réparation. L’objectif stratégique des alliés est d’édifier une Allemagne forte et sereine, plutôt que ruinée par les dettes et humiliée.
 
Washington obtient surtout des pays bénéficiaires du plan Marshall qu’ils renoncent à exiger immédiatement leur dû, repoussant d’éventuelles réparations à une réunification de l’Allemagne dans le cadre d’un « traité de paix ». « A partir de là, l’Allemagne s’est portée comme un charme pendant que le reste de l’Europe se saignait aux quatre veines pour panser les plaies laissées par la guerre et l’occupation allemande« , résume l’historien de l’économie allemand Albrecht Ritschl, professeur à la London School of Economics, dans un entretien à Der Spiegel.
 
Ce sursis permettra à la RFA de connaître un véritable « miracle économique », le fameux Wirtschaftswunder pendant quatre décennies. Et au moment de passer à la caisse, Bonn s’arrangera pour ne pas honorer ses engagements. Le chancelier Helmut Kohl obtient en effet que le traité de Moscou de 1990 entérinant la réunification ne porte pas la mention « traité de paix », une des conditions figurant dans l’accord de 1953 pour d’éventuels remboursements. « C’était un moyen de continuer à fuir les réparations« , souligne le Süddeutsche Zeitung. En approuvant ce traité, la Grèce a perdu, aux yeux de Berlin, toute légitimité à réclamer des réparations. « Dans la pratique, l’accord de Londres de 1953 libéra les Allemands de leur obligation de rembourser leurs dettes de guerre », résume le quotidien allemand.
 
En d’autres termes, l’actuel champion économique de la zone euro a fait trois fois défaut au cours du XXe siècle : dans les années 1930, en 1953 et en 1990. « L’Allemagne n’a pas réglé ses réparations après 1990 – à l’exception des indemnités versées aux travailleurs forcés, » poursuit Albrecht Ritschl dans Der Spiegel. » Les crédits prélevés de force dans les pays occupés pendant la Seconde Guerre mondiale et les frais liés à l’Occupation n’ont pas non plus été remboursés. A la Grèce non plus. » Or « personne en Grèce n’a oublié que la République fédérale devait sa bonne forme économique aux faveurs consenties par d’autres nations« , insiste-t-il.


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