Procès au printemps arabe



Une des premières manifestations du printemps arabe a été celle du camp de Gdeim Izik, dans le Sahara Occidental.

Dès le 9 octobre 2010, des dizaines de milliers de sahraouis se sont exilés à quelques kilomètres de Laayoune, la capitale du Sahara Occidental, pour protester contre les conditions de marginalisation et de souffrance sociales auxquelles ils sont soumis. En quelques jours, des milliers de tentes (khaima) ont été installées et il s’est réalisé ce que l’on considère désormais comme une des premières expressions du mouvement de protestation qui allait dans les mois suivants secouer tout le monde arabe.

Le 8 novembre à l’aube, après un mois de protestations pacifiques, l’armée et les forces spéciales marocaines sont intervenues pour démanteler le camp. La réaction des occupants a été colérique. Il y a eu par la suite des affrontements qui ont également concerné  la ville de Laayoune, pendant lesquels il y aurait eu des morts et de nombreux blessés.

Il est probablement impossible de faire un vrai bilan des affrontements :  les chiffres officiels diffusés par les autorités marocaines parlent d’une dizaine de morts et d’une centaine de blessés parmi les forces de l’ordre. Cependant, concrètement , seule l’identité d’une victime a été rendue publique.

Les activistes de leur côté ont dénoncé le meurtre et la disparition d’une dizaine de leurs compagnons. D’ailleurs, dans les jours successifs, le gouvernement marocain a empêché aux observateurs et aux journalistes indépendants d'entrer dans les territoires, refusant ainsi l’ouverture d’une enquête internationale sur les faits.

Le 24 octobre prochain – après plusieurs renvois – le procès contre les Sahraouis inculpés, détenus depuis deux ans et accusés du délit d’association de malfaiteurs et de plusieurs meurtres de membres de forces de l’ordre, débutera finalement devant le Tribunal militaire de Salé (Rabat). Selon le code pénal marocain, les accusés risquent la peine de mort.

L’Osservatorio Internazionale per i Diritti, en collaboration avec d’autres organisations et juristes indépendants, observera le procès en assurant la présence d’observateurs internationaux. Le magistrat Nicola Quatrano et l’avocat Roberta Bussolari du Barreau de Modena participeront à la première audience. D’ailleurs, la présence de nombreux observateurs provenant d’Espagne, de Belgique, de France et d’autres pays est annoncée.

L’objectif est  celui d’assurer,  à travers une collaboration plus efficace avec le réseau des observateurs internationaux,  un contrôle indépendant et impartial du respect des droits humains des accusés et des principes du procès juste et équitable.

Nos premières observations sur le procès :

1. Il s’agit d’un procès dans lequel les personnes sont  accusées de plusieurs homicides vis à vis de membres des forces de l’ordre,  dont le nom n’est même pas mentionné dans l’acte d’accusation du Juge d’instruction militaire. La seule autopsie jointe au dossier est celle effectuée sur le cadavre du caporal Aljatib Bint Ihalib.

2. La procédure accusatoire se base exclusivement sur les confessions que les accusés ont faites en l’absence de leurs avocats et/ou en situation de détention dans les locaux de la Police judiciaire. En outre, il faut souligner que plusieurs familles  ont dénoncé des situations de tortures et de mauvais traitements à l’encontre des inculpés.

3. Le fait que la peine maximale prévue pour les faits dont ils sont accusés soit la peine de mort soulève de très fortes préoccupations.

Toutefois , dans cette phase, nous entendons mettre une attention particulière à  l’extension  de la juridiction pénale militaire aux accusés civils. En effet, le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies, la Cour Américaine des droits de l’Homme et la Cour Européenne des Droit de l’Homme, ont déjà souligné le manque de reconnaissance de la part des tribunaux militaires des garanties procédurales fondamentales.  En particulier, comme cela a été  établi par le Comité  des droits de l’Homme de l’Onu, permettre aux tribunaux militaires de juger des civils soulève des doutes par rapport à une administration de la justice équitable, indépendante et impartiale. (1)  Par conséquent, étendre la juridiction militaire aux civils constitue une violation du droit fondamental de chaque individu à être jugé par un juge prédéterminé par loi, compétent, impartial et indépendant (2). Il faut également mettre en relief que la Cour Européenne des Droits de l’Homme a, à plusieurs occasions, estimé qu’un civil trainé devant un tribunal militaire pour de supposés crimes commis contre les forces de l’ordre peut légitimement craindre  que cette juridiction ne soit pas impartiale et indépendante. C’est ainsi également le cas d'un tribunal  composé,  même s’il n’est composé que partiellement de membres des forces armées.

Napoli-Bologna, le 19 octobre 2012

Osservatorio Internazionale per i diritti


[1] Human Rights Committee, Administration of Justice, General Comment No 13 (UN Doc HRI/GEN/1/REV.1 (1984))

[2] Durand and Ugarte v Peru [2000] IACHR (16 August 2000), para 117.                                                                       

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