Par Samir Achehbar


Privilèges. Heureux qui comme les Sahraouis...
Les habitants du Sud bénéficient des fameuses “réquisitions” et de
nombreux avantages économiques.


La mort de deux étudiants à Agadir pointe le traitement réservé aux habitants du Sud. Un système coûteux et vieux de plusieurs décennies. Etat des lieux.

 

Lundi 1er décembre, deux jeunes Sahraouis sont morts écrasés à la gare routière d’Agadir et deux autres sont grièvement blessés. A l’origine du drame, les étudiants sahraouis, munis de billets gratuits, voulaient faire valoir leurs droits sur le champ au lieu d’attendre le lendemain, comme proposé par la compagnie, en raison de la   
non-disponibilité de sièges et de véhicules en cette période des fêtes. Malmené, le chauffeur perd patience et fonce dans le tas. Le lendemain, au moment où les photos des deux “martyrs” sahraouis, arborant le drapeau de la RASD, faisaient le tour du monde, un groupe d’étudiants originaires du Sud manifestait à la gare ferroviaire de Mohammedia. Ils exigeaient d’être les premiers servis, ici et maintenant, au moment où le “commun des Marocains” doit réserver pour combiner trains de l’ONCF et autocars de Supratours, ou d’autres moyens de transport.

 

Merci Basri
A l’origine, explique un grand connaisseur du Sahara, les fameuses “réquisitions” ont été instaurées par Driss Basri vers la fin des années 1980. Le système a été imposé au ministère ayant la tutelle de la CTM, Supratours et l’ONCF en guise de motivation pour les fonctionnaires travaillant au Sud et, particulièrement, les Sahraouis. Puis ces tickets gratuits ont fini par bénéficier aux étudiants. Aujourd’hui, ils plongent tout le monde dans l’embarras et aucun officiel n’ose émettre le moindre commentaire, ni avancer la moindre statistique. Au ministère du Transport et de l’Equipement, inutile de demander le moindre renseignement là-dessus Le gouvernement s’attache plutôt à esquiver les retombées, néfastes, de l’accident d’Agadir quand, de l’autre côté du mur (de sable), les amis de Mohamed Abdelaziz saisissent l’Union Européenne pour demander une enquête internationale. Pour l’heure, quatre personnes ont été arrêtées, dont le chauffeur de l’autocar à l’origine de “l’accident” qui a coûté la vie aux deux étudiants.

Faisons donc une simple comparaison entre deux étudiants débarquant dans la même université. Le “oueld dakhil” qui quitte Tanger pour étudier à Rabat doit ramer avec les 1300 DH et des poussières que l’Etat accorde comme bourse trimestrielle à certains étudiants. Et faire des pieds et des mains pour trouver une place dans la chambre à partager avec trois autres camarades d’une cité universitaire. Sinon, louer une chambre dans l’un des quartiers périphériques et ramer encore chaque jour pour assister à ses cours. L’étudiant sahraoui, et en principe marocain, qui fait un Dakhla-Rabat gratuit grâce à sa magique “réquisition”, a d’office une place, mais hausse tout de même le ton pour obtenir une chambre individuelle ou, au pire des cas, pour deux personnes. Pour argent de poche, il dispose généralement d’une “cartiya”, ses fameuses autres cartes magiques octroyant aux Sahraouis la bagatelle de 1200 DH mensuels en moyenne. A l’Entraide nationale, administration octroyant ces cartes, le sujet est tout aussi tabou. Les chômeurs ont également droit à un traitement de faveur. Mais quand les chômeurs sont tabassés par les hommes de Laânigri devant le Parlement, les chômeurs du Sahara, les fameux “porteurs de lettres royales”, sont prioritaires à chaque embauche. Un autre cadeau empoisonné légué par Driss Basri à Mohammed VI.

 

Gouffre à subventions
Combien l’Etat dépense-t-il pour “faire plaisir” aux sujets de Mohammed VI au Sahara ? Difficile d’avancer un chiffre, à défaut de statistiques officielles. Toutefois, un diplomate de haut rang affirme qu’il arrive à l’Etat de débourser jusqu’à 6 parts contre une pour les dépenses nécessaires à un Sahraoui. Et même de maintenir ouvertes les mines de phosphate de Boucraâ rien que pour préserver les emplois et arracher une autre “petite paix”. Au printemps dernier, l’économiste Fouad Abdelmoumni a avancé un chiffre qui donne froid dans le dos : le conflit du Sahara, toutes “rubriques” comprises, a coûté au Maroc la bagatelle de 120 milliards de dollars. Soit encore, à en croire un rapport de l’“International Crisis Group” (basé à Bruxelles), l’équivalent de 1 à 2 points de PIB annuel. En plus, au Sahara, l’Etat ne récolte ni TVA, ni TIC (taxe intérieure de la consommation) sur l’écrasante majorité des produits. Et pas d’IR ou d’IS non plus, tout en concédant à ses fonctionnaires des majorations de salaire allant de 25 à 75 % selon les missions et les villes. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que les habitants de Sidi Ifni et les Aït Baâmrane ont toujours demandé un traitement similaire. Plus concrètement, après une bonne trotte à Laâyoune, un chauffeur de taxi demandera 3 misérables dirhams quelle que soit la course. En avril dernier, quand le Casablancais payait son litre d’essence 10,26 DH, son compatriote à Dakhla le payait seulement 6,34 DH. Après les subventions, l’Etat a inventé, en 2005, l’Agence de développement des régions du Sud placée, en théorie, sous la tutelle de la primature. Une autre blague de la nouvelle ère qui ne fait rire personne, mais qui fait aussi le bonheur des Sahraouis. Par exemple, pas moins de 870 millions de dirhams ont été dépensés entre 2004 et 2008 pour construire des infrastructures de base et essentiellement des logements.

Au Sahara, nombreux sont les militants associatifs réunis en “ONG familiales” défendant quelque chose ayant trait à la “marocanité”. Ils fréquentent plus (et à l’œil) les avenues de Rabat et l’hôtel Balima que les dunes du Sahara. Avant de repartir, gracieusement, sur l’un des vols de la Regional Air Lines. Mais surtout après avoir eu droit à un petit quelque chose du côté de la vieille “Résidence Lyautey”. Si le fédéralisme se base sur le principe de la solidarité entre entités le composant, le “reste du Maroc” a payé et paie un lourd tribut pour le Sahara. En âmes et aussi en faveurs sonnantes et trébuchantes. Quand on aime (le Sahara), on ne compte pas !

 


 

Transparence. Et le Corcas ?

Ahmed Midaoui, le patron de la Cour des comptes, peut se permettre de régler leurs “comptes” à des poids lourds de la politique régionale comme les maires Hamid Chabat, Omar Bahraoui et d’autres. Mais oserait-il envoyer ses contrôleurs fourrer leur nez dans ceux du Conseil consultatif royal pour les affaires sahariennes (CORCAS) ressuscité en mars 2006 par Mohammed VI ? Peu sûr. Le budget de ce conseil est rattaché à celui de la Cour royale. Et ses 144 membres ne sont pas payés pour leur qualité, mais grassement indemnisés pour le plus insignifiant des déplacements à Rabat : vols, hôtels et nourriture. Plusieurs rumeurs faisaient état de dépenses extravagantes du président de l’instance Khelli Henna Ould Errachid, entouré des siens, dont son fils qui dirige son cabinet. Mais l’homme n’a jamais démenti quoi que ce soit, préférant ignorer ses détracteurs, plutôt que de se rabaisser à montrer ses factures au premier venu. Quel qu’il soit ?

 

 

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