Imprimer






Le Grand soir, 19 juin 2012



Un décès en Arabie : l’énigme saoudienne (Indian Punchline)
M K Bhadrakumar


La mort soudaine du prince héritier saoudien Nayef met en lumière l’énigme saoudienne. Le pays doit affronter de sérieux problèmes : un système monarchique archaïque, une corruption et une vénalité endémiques, des problèmes socio-économiques croissants, la montée en puissance des Shiites, un soulèvement régional et des voisins difficiles. Mais l’ironie des ironies devrait se manifester au grand jour dans le mois qui vient, à l’occasion des funérailles du Nayef et du choix du nouveau prince héritier.


L’Arabie Saoudite est le pays qui brandit aujourd’hui le drapeau de la "réforme", de la "démocratie" et des "droits humains" en Syrie. Et pourtant c’est un des régimes politiques les plus opaques du monde. Trente quatre personnes obscures qui se prétendent les descendants d’Abdul-aziz Ibn Saud, le fondateur du royaume (qui avait 34 enfants) choisiront parmi les princes héritiers celui qui succèdera au roi Abdullah au moment de sa mort. "L’inconnu des inconnus" est bien sûr le poids de l’influence des services secrets et de sécurité étasuniens sur ces "décisionnaires" qui ont placé leurs avoirs dans les banques occidentales.


La liste des dignitaires qui assisteront aux funérailles de Nayef aidera à garder le cap dans les eaux agitées de la politique régionale. Du Pakistan, viendront le premier ministre Yousuf Gilani et le chef des armées Ashfaq Kayani. Ah bon, le chef des armées Kayani ? Mais oui ! Il semblerait qu’en fin de compte les liens du Pakistan avec l’Arabie Saoudite ne se soient pas aussi distendus, à cause du rapprochement de l’Arabie Saoudite avec l’Inde, que nos experts et nos journalistes alignés l’avaient prétendu...


Les leaders mondiaux ne tarissent pas d’éloge sur le legs de Nayef. Mais il s’agit davantage de reconnaître l’importance de l’Arabie Saoudite comme premier producteur de pétrole et de rendre hommage aux pétrodollars. Car finalement quel est le legs de Nayef ? Bizarrement il est mort le jour où un petit groupe de saoudiennes l’avaient défié : en conduisant une voiture. Nayef a réprimé avec violence et brutalité les soi-disant membres d’al Qaeda, les islamistes, les libéraux et les femmes, les Shiites et tous les dissidents en Arabie Saoudite. Un jour viendra où le rôle qu’il a joué dans une période de transition régionale délicate sera réévalué. Il a eu un rôle clé dans l’intervention saoudienne au Bahreïn où il n’y a toujours pas de jury populaire. Et le plus inquiétant, c’est que les islamistes radicaux basés au Yémen attendent leur heure. Nayef n’a jamais été une personnalité "populaire" dans son propre pays mais il est vrai que les chefs de la police le sont rarement. Dans les provinces orientales d’Arabie Saoudite, on s’est, semble-t-il, réjoui de sa mort.


Pour consulter l’original :
http://blogs.rediff.com/mkbhadrakumar/2012/06/17/death-in-ar...