Assassinat de Michel Germaneau: un crime horrible

Que leur a fait ce vieillard pour mériter un tel sort?”, se demande les gens un peu partout à Agadez depuis la mort de Michel Germaneau. Ici, quelques personnes le connaissant affirment sous le choc : “ Il n’a aucune ambition sauf celle d’aider nos enfants à aller à l’école. Il s’apprêtait à faire construire un centre de santé quand les terroristes l’ont pris.”, affirme A., un guide basé à Agadez qui ne tarit pas d’éloges à l’adresse du défunt.
Issaka, un enseignant, réfute lui la thèse de la mise à mort de Germaneau par les terroristes : “ Non ! Je ne crois pas que ces gens aient tué de sang froid ce vieillard, et s’ils l’ont fait alors, ils n’ont aucune foi en Allah ! L’islam est une religion de tolérance et notre prophète Mohamed SAW n’a jamais prêché la violence gratuite ! Il nous a enseigné de secourir les faibles. Je suis de ceux qui pensent qu’il est mort de suite de sa maladie de cœur. Il est grand temps que les occidentaux nous aident à finir avec cette menace d’Al-Qaïda .”
En effet, pour beaucoup de personnes même si Al-Qaïda a annoncé avoir exécuté le vieillard en guise de riposte à l’attaque dirigée contre sa base dans le nord désertique malien par l'armée mauritanienne appuyée par une troupe d'élite de l'armée française le jeudi 22 juillet dernier, la mise à mort du vieillard reste énigmatique.
L'attaque de la base des “ Fous d’Allah” aurait été un prétexte pour justifier sa mort dans leurs mains.
Avec la mort de ce vieillard de 78 ans, les terroristes, trafiquants d'armes et de drogue, qui ont commis cet acte barbare et ignoble doivent désormais savoir que la donne va carrément changer. Le président français Nicolas Sarkozy, qui a confirmé le décès du vieillard, a été catégorique là-dessus. «  Ce crime ne restera pas impuni », disait-il. Et pour joindre l’acte à la parole, il a immédiatement dépêché son ministre des Affaires étrangères, Bernard  Kouchner, en Mauritanie, au Mali et au Niger, les trois pays qui servent aujourd'hui de base arrière à Al-Qaïda.
Les prochains jours risquent d’être très difficiles pour les éléments d’AQMI .

AIR INFO N°113 DU 15 AU 31 JUILLET 2010




Libération - 12/08/2010

Un rapt dans le silence du désert
par Thomas Hofnung

Les ravisseurs ont parlé de contact rompu avec la France, ce que Paris dément fermement.

Près de trois semaines après l’annonce de la mort de Michel Germaneau, le mystère reste entier sur plusieurs points clés : quand et comment l’otage est-il mort ? Ses ravisseurs voulaient-ils négocier sa libération ? A défaut de réponses, la chronologie des événements fournit des indices.
Michel Germaneau est enlevé le 19 avril, mais Aqmi revendique son rapt trois jours plus tard, peut-être parce qu’il lui a été remis par un groupe crapuleux. Le 14 mai, ses ravisseurs diffusent une preuve de vie via un témoignage sonore accompagné d’une photo de l’otage. Ils réclament la libération de prisonniers, comme ils l’ont fait lors de précédentes prises d’otages. Le nom de Rachid Ramda, emprisonné en France pour sa participation aux attentats commis à Paris en 1995, circule. Mais le gouvernement français assure que les demandes d’Aqmi n’ont jamais été claires.
Durant près de deux mois, le silence prévaut, d’un côté comme de l’autre. Jusqu’au 11 juillet : Aqmi émet un ultimatum, via Internet, laissant quinze jours à Paris pour satisfaire ses revendications. Trois jours avant son expiration, le 22 juillet, les forces mauritaniennes, épaulées par des éléments de la DGSE (Direction générale des services extérieurs), attaquent un campement dans le nord du Mali. Le bilan officiel est de six morts côté islamiste. Mais aucune trace de Michel Germaneau.
Le 25 juillet, Aqmi annonce avoir tué l’otage en représailles, sans donner plus de précisions. Le lendemain, l’Elysée confirme. A ce jour, le corps de l’otage français n’a pas été retrouvé. Par la suite, le chef d’Aqmi, Abdelmalek Droukdall, accusera la France d’avoir rompu les négociations en cours. Paris dément fermement, assurant notamment n’avoir même pas pu faire passer des médicaments à Germaneau, cardiaque.
L’une des clés de cette affaire réside peut-être dans la libération controversée d’un autre otage, Pierre Camatte, en février. Aqmi l’avait relâché après que le Mali, sous la pression de Paris, eût libéré quatre prisonniers islamistes, dont deux Algériens, provoquant la fureur d’Alger. Dès lors, une négociation aboutissant à de nouveaux élargissements en échange de Germaneau aurait provoqué une crise majeure avec Alger. Paris n’avait sans doute d’autre choix que de tenter une opération pour tenter de libérer un otage… peut-être mort depuis plusieurs semaines.


 

Libération - 12/08/2010

L’itinéraire sinueux d’un otage
par Thomas Hofnung

Humanitaire sur le tard, Michel Germaneau avait travaillé dans des secteurs sensibles
  
«Généreux»,«solitaire»,«naïf» : tels sont les principaux qualificatifs qui sont revenus dans la bouche des proches de Michel Germaneau. Fin juillet, Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi) a annoncé la mort de cet otage français, enlevé en avril dans le nord du Niger. Son corps n’a pas été retrouvé et les conditions de son décès restent floues (lire ci-contre). Qui était exactement ce retraité de 78 ans, célibataire et sans enfant ? Que faisait-il dans le Sahel ? Passée l’indignation légitime provoquée par sa mort, les questions demeurent. Retour sur un itinéraire singulier.

Que sait-on exactement de Michel Germaneau ?
Au-delà des hommages de circonstance, le portrait le plus complet à ce jour a été publié sur le site Lepost.fr par un de ses proches (1). On y apprend que Michel Germaneau est né en 1931 en Gironde, qu’il a une formation d’ingénieur électronicien et qu’il s’est retrouvé, contre son gré, sous les drapeaux durant la guerre d’Algérie. Il aurait été interné en soins psychiatriques après avoir fait en sorte de «perdre» son fusil.
Après cet épisode, Germaneau intègre, à la fin des années 50, la Compagnie des machines Bull, qui fabrique alors des ordinateurs à transistors et à bandes magnétiques. Puis il rejoint la Compagnie des signaux, une entreprise de haute technologie, conceptrice de systèmes militaires sensibles. Tahiti, Brésil, Bangladesh, Gabon : il fait l’essentiel de sa carrière à l’étranger. Mais pas dans n’importe quel secteur.
D’après nos informations, ce petit homme sec et endurant est associé à des programmes confidentiels. C’est notamment le cas en Polynésie, où il aurait participé, selon un de ses anciens collègues, à la mise en place et à la maintenance d’un dispositif radioélectrique automatique couvrant l’ensemble des îles Tuamotu et Gambier. Une sorte de système d’alerte «anti-retombées radioactives». La France a réalisé des essais atomiques jusque dans les années 90 sur l’atoll de Moruroa.
Au Gabon, il travaille à la mise en place d’un système de radiotélémesures sur une plateforme offshore du groupe Elf. Il participe aussi à la construction du Transgabonais, un axe ferroviaire reliant Libreville à Franceville, le fief du président Omar Bongo. Cette ligne permettra d’acheminer durant des années le manganèse et l’uranium exploité dans la région, notamment par la Cogema, ancêtre d’Areva. Dans les années 70, confie ce même collègue, le technicien décide de s’installer à Marcoussis, dans l’Essonne, où il connaît des agents du Service de protection des sites du CEA (Commissariat à l’énergie atomique).

Comment MICHEL Germaneau s’est-il intéressé au Niger ?
Au début des années 90, le voilà en préretraite. Mais pas question, pour cet homme très sportif, amateur de ski et de randonnées, de se tourner les pouces entre quatre murs à Marcoussis. Michel Germaneau continue de voyager.
En mars 2006, il part pour le Niger afin d’assister, dans le désert du Sahel, à une éclipse totale de soleil. A cette occasion, il fait la connaissance d’Yvonne Montico. Celle-ci raconte : «Nous sommes restés en contact avec notre guide touareg, Abidine Ouaghi, qui est ensuite devenu notre très grand ami Dina. […] Quand Dina nous a fait part des besoins de la population d’In-Abangharet, son village d’enfance, pour la scolarisation et la santé, une idée a germé. Michel, Dina et moi-même avons décidé de créer une association pour répondre à ces besoins.»
Par amitié pour un guide, qui d’après nos informations travaillerait pour une agence de tourisme à Tamanrasset, en Algérie, les deux Français se seraient donc engagés dans cette mission caritative.
Mais un doute demeure sur l’ancienneté des liens entre l’ancien otage et «Dina». Selon deux sources basées au Niger, Michel Germaneau serait lié à la famille d’Abidine Ouaghi de longue date. «Il connaissait très bien son père et aurait même vu naître Dina», fait savoir un ex-chef rebelle touareg, installé dans le nord du pays. Mais nous n’avons pas été en mesure d’entrer en contact avec le guide de Michel Germaneau, Abidine Ouaghi ayant fait savoir à Yvonne Montico qu’il ne souhaitait pas répondre aux questions de la presse française.

En quoi a consisté son action humanitaire ?
A la suite de ce voyage, l’association Enmilal («Entraide» en langue tamasheq, celle des Touaregs) est donc créée. Dirigée par Yvonne Montico, qui réside dans l’Isère, elle ambitionne de construire une école et un dispensaire à In-Abangharet. La Française se rend sur place début 2007. Mais, en février de la même année, les rebelles touaregs du MNJ (Mouvement des Nigériens pour la justice) prennent les armes contre le régime du président Mamadou Tandja. La région est classée zone de guerre, et placée sous contrôle de l’armée. Toutefois, il est toujours possible, en s’arrangeant à la douane, de passer la frontière à partir du territoire algérien. Ce que ne se privent pas de faire, par exemple, les rebelles touaregs du MNJ.
Yvonne Montico explique à Libération avoir mené à bien son projet en se rendant à Tamanrasset pour rencontrer «Dina», chargé du projet sur le terrain. Et précise que Germaneau, quant à lui, s’est rendu plusieurs fois au village d’In-Abangharet «pour les étapes importantes» de la construction de l’école, afin d’apporter son expertise technique.
Le petit bâtiment va finalement ouvrir ses portes en mai 2009 (2). A la même époque, après deux ans de conflit, le MNJ décide de déposer les armes. En mars dernier, Yvonne Montico retourne enfin à In-Abangharet, trois ans après sa première visite. Juste avant celle de Michel Germaneau.

Avait-il bien évalué les risques ?
Au Parisien, Yvonne Montico a précisé :«Il allait au Niger deux fois par an et restait un à deux mois. Il était heureux là-bas. Il me disait : "Je suis content de partir. C’est formidable, je suis bien avec eux."»
Jean-Marc Pellet, le président d’une petite association, Entraide Occitan Touareg, bondit : «Mais qu’est-ce qu’il est allé foutre là-bas ? Et en plus, en avril, le mois le plus chaud de l’année !» Lui-même s’était rendu, début 2007, à In-Abangharet. «C’est un coin complètement paumé, où il n’y a rien. J’avais étudié la possibilité de monter quelque chose, mais c’était trop difficile d’accès, donc trop cher», ajoute-t-il. Il y a renoncé.
Situé à 280 km au nord d’Agadez (la grande ville du nord du Niger), aux confins de l’Algérie et du Mali, le village que fréquentait Michel Germaneau se trouve dans une zone considérée par les observateurs locaux comme l’une des plus dangereuses du Sahel. Jean-Marc Pellet en parle comme d’une «pétaudière […] bourrée de trafiquants, d’anciens rebelles reconvertis en guides». «Il s’est jeté dans la gueule du loup», estime Ahmed Akoli, un dirigeant rebelle en exil à Paris. Le responsable d’une association membre du collectif Nord-Niger, présente dans le pays depuis quinze ans, renchérit : «Je ne comprends pas comment ils ont pu s’installer sans évaluer le risque. In-Abangharet est localisé dans un couloir de passage pour les trafiquants, notamment ceux qui convoient la drogue depuis l’Afrique de l’Ouest vers l’Europe, via l’Algérie.» Et d’ajouter : «Tout se sait dans le désert. Un Blanc qui débarque, cela n’échappe à personne.»
Ce responsable associatif n’a jamais rencontré Michel Germaneau, qui passait systématiquement par Tamanrasset pour se rendre dans la zone, et non pas par Agadez. Le paisible retraité faisait partie de ce qu’on appelle dans le jargon humanitaire une «association familiale», fondée sur des liens personnels et dédiée à un microprojet. De lui, on ne conserve que quelques photos prises dans le désert. Aucune ne le montre in situ, dans le village d’In-Abangharet.

(1)www.lepost.fr/article/2010/07/26/2164962_michel-germaneau-l-ingenieur-sans-frontieres.html. (2) Voir les photos sur le site de Enmilal : www.enmilal.org.




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