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Attentat-suicide à Nouakchott


NOUAKCHOTT - Un kamikaze a actionné sa ceinture d'explosifs samedi près de l'ambassade de France à Nouakchott au passage de deux Français qui faisaient leur jogging, sans les blesser, selon une source diplomatique.

Un kamikaze a actionné sa ceinture d'explosifs samedi près de l'ambassade de France à Nouakchott au passage de deux Français qui faisaient leur jogging, sans les blesser, selon une source diplomatique.

La Mauritanie n'avait pas connu d'attentat suicide jusqu'ici mais est la cible depuis 2007 de diverses attaques d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).

Cette action intervient six semaines après l'assassinat d'un Américain à Nouakchott, qui a été revendiqué par la branche maghrébine d'Al-Qaïda. Il a lieu trois jours après l'investiture de l'ex-général putschiste Mohamed Ould Abdel Aziz dans ses fonctions de président élu de la Mauritanie.

"Deux Français, employés de la sécurité de l'ambassade de France, se trouvaient à proximité de l'homme au moment de l'explosion. Ils sont à l'hôpital, ils n'ont aucune blessure, mais se trouvent sous le choc", a déclaré un conseiller de l'ambassade de France, Marc Flattot.

Le jeune terroriste présumé s'est tué peu avant 19H00 (heures locale et GMT) dans une rue passant entre l'ambassade de France et l'ambassade de Libye.

Selon M. Flattot, les deux Français faisaient leur jogging lorsque le kamikaze a actionné la ceinture d'explosifs qu'il portait sur lui.

Une source policière sur place a déclaré que "deux Occidentaux avaient été conduits à l'hôpital", tout en soulignant que leurs jours n'étaient pas en danger.

Deux Mauritaniens se disant témoins de l'explosion ont, quant à eux, affirmé que "deux Français" avaient été "légèrement blessés, ainsi qu'une femme mauritanienne". "L'un des Français avait du sang sur la poitrine, l'autre sur le bras", a assuré un des témoins.

En début de soirée, le corps déchiqueté du jeune kamikaze gisait encore sur le trottoir ensablé, a constaté un correspondant de l'AFP.

L'attaque n'a pas été évoquée au journal de 20H00 de la télévision nationale.

La Mauritanie, vaste pays ouest-africain aux trois quarts désertique, avait été très affectée fin 2007 par les assassinats de quatre Français à Aleg (250 km à l'est de Nouakchott), pour lesquels trois jeunes Mauritaniens proches d'Al-Qaïda sont actuellement détenus, en instance de jugement.

Il y a un mois et demi, un Américain vivant et travaillant à Nouakchott y a été tué par balle, en plein jour, dans le quartier du Ksar.

Un Mauritanien présenté comme le chef de la cellule responsable de l'assassinat de l'Américain --Mohamed Abdallahi Ould Hemdnah alias "Eness"-- a été écroué la semaine dernière à Nouakchott pour "meurtres et appartenance à Al-Qaïda". Selon une source judiciaire, il aurait par ailleurs reconnu sa participation aux meurtres de soldats mauritaniens, en 2007 et 2008, dans le nord du pays.

Deux autres Mauritaniens ont été écroués en même temps que lui dans le cadre de l'enquête sur l'assassinat du ressortissant américain.

Le 5 août, au cours de sa cérémonie d'investiture comme président de la République islamique de Mauritanie, Mohamed Ould Abdel Aziz avait assuré: "nous ne ménagerons aucun effort pour lutter contre le terrorisme et ses causes".

Ce général de 53 ans a mené, le 6 août 2008, le coup d'Etat qui a renversé le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi.

Depuis, il a maintes fois accusé le président déchu --au pouvoir pendant 15 mois-- de s'être montré trop faible face au terrorisme.





Un attentat "étranger aux valeurs de l'islam"

Condamnant fermement l'attentat survenu près de l'ambassade de France en Mauritanie, qui a blessé trois personnes et coûté la vie au kamikaze, les responsables religieux ont appelé à une lutte accrue contre l'embrigadement des jeunes à des fins de terrorisme.

La classe politique unanime et les plus éminents religieux de Mauritanie ont condamné le premier attentat suicide de l'histoire du pays, ayant fait aussi trois blessés très légers samedi près de l'ambassade de France, comme un "procédé totalement étranger" à la société mauritanienne et à l'islam.

Au journal de 20H00 de la télévision d'Etat, la seule du pays, les responsables religieux de la République islamique de Mauritanie ont vivement dénoncé dimanche cette attaque visant des résidents étrangers "que l'islam exige de protéger au même titre que les nationaux".

Tout en présentant des excuses aux téléspectateurs qui pourraient en être choqués, la télévision publique a diffusé à maintes reprises les images du corps déchiqueté du kamikaze qui s'était fait exploser, samedi soir à proximité de l'ambassade de France à Nouakchott. Deux gendarmes français qui faisaient leur jogging avaient été très légèrement blessés, de même qu'une Mauritanienne.


Lavage de cerveau

Ce type d'action "ne peut se justifier dans aucune religion du monde" a déclaré l'imam de la grande mosquée de Nouakchott, Ahmedou Ould Lemrabot. Ce jeune homme qui "s'est tué et a tenté de tuer d'autres personnes" ne "goûtera pas au paradis promis par Allah et son prophète Mahomet aux musulmans" a-t-il insisté.

De son côté, l'érudit Mohamed Hassan Ould Dedew, chef spirituel des islamistes du parti Tawassoul (modéré), a vivement dénoncé, au cours d'un débat en direct, l'acte de ce jeune "égaré" qui a "subi un lavage de cerveau auquel il faut faire face par le prêche et le dialogue".

"Ce sont des gens qui n'ont pas une bonne appréhension de notre religion, ils s'attaquent d'abord à eux-mêmes puis aux étrangers, dont la quiétude et la sécurité sont exigés par les percepts de l'islam" a insisté Ould Dedew.

Acte barbare

La classe politique, très divisée depuis le coup d'Etat mené il y a un an par le général Mohamed Ould Abdel Aziz, s'est montrée unanime à rejeter "l'acte barbare".

L'Union pour la République (UPR) - parti majoritaire au Parlement, qui soutient l'action de l'ex-putschiste Ould Abdel Aziz élu président en juillet - a appelé à constituer "une union sacrée" autour du nouveau chef d'Etat "face au terrorisme".

Dans son communiqué, l'UPR évoque "une déviance totalement étrangère" à la société mauritanienne et appelle "tous les jeunes égarés, embrigadés dans ces factions terroristes (. . . ) à revenir à la raison et à réintégrer le cortège des bâtisseurs de la République Islamique de Mauritanie".

Du côté des anti-putsch, le Front national pour la défense de la démocratie (coalition de partis formée pour dénoncer le coup d'Etat d'août 2008) a évoqué un "procédé totalement étranger" à la société mauritanienne ainsi qu'"aux valeurs et enseignements de la sainte religion".

Il a appelé "l'ensemble des Mauritaniens soucieux de préserver la stabilité du pays à se dresser contre la culture de violence barbare qui embrigade des jeunes gens innocents à des fins douteuses qui mettent en péril l'unité du peuple (mauritanien) et son existence même".