Abraham Serfaty
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Le Grand soir - 20 novembre 2010
Abraham Serfaty
par Mohamed Belaali
Le militant marxiste marocain Abraham Serfaty vient de nous quitter à l’âge de 84 ans (1926/2010).
Il est né à Casablanca dans une vieille famille juive dont les racines plongent jusqu’à Oued El Kebir en Andalousie d’où elle fut chassée en 1492.
Serfaty était un défenseur acharné de la cause palestinienne et un antisioniste convaincu. C’est lui qui disait « Le sionisme est avant tout une idéologie raciste. Elle est l’envers juif de l’hitlérisme [...] Elle proclame l’Etat d’Israël "Etat juif avant tout", tout comme Hitler proclamait une Allemagne aryenne ».
Anticolonialiste, il fut arrêté et emprisonné par les autorités françaises en 1950 et assigné à résidence jusqu’en 1956 par le ministre de l’intérieur de l’époque François Mitterrand !
Diplômé de l’École des mines de Paris, il rentre au Maroc et occupe plusieurs responsabilités plutôt techniques que politiques dans le gouvernement du Maroc indépendant. En 1960, il devient le Directeur de l’Office chérifien des phosphates. Il est renvoyé de son poste en 1968 pour avoir soutenu publiquement les mineurs en grève à Khouribga.
Il quitte le parti communiste qu’il juge sectaire et réformiste et crée avec d’autres militants marocains dont le poète A.Laabi, le mouvement Ilal Amam (en Avant) en août 1970.
Rejetant tout compromis avec le Palais, critiquant l’ensemble de la gauche « officielle », Serfaty se trouve avec ses camarades face au régime d’Hassan II. Arrêté et torturé en janvier 1972, il est libéré sous la pression des luttes sociales qui se développaient dans tout le pays.
Pour échapper à la police du régime qui le poursuit à nouveau, Serfaty entre dans la clandestinité.
La police arrête son fils Maurice âgé alors de 20 ans et sa sœur Éveline. Si Maurice ignorait où se cachait son père, Éveline, elle, le savait. Même sous la torture elle n’a pas parlé. Elle décéda deux ans plus tard des suites des sévices qu’elle a subis dans les centres de torture. « Tu parles ou on te tue. Ils t’ont tué Éveline. Tu n’avais pas parlé » écrivait le poète A. Laabi.
Arrêté plus tard avec ses camarades, torturé sauvagement, il écrit dans les Temps modernes d’avril 1986 « On doit (…) tout faire pour oublier ces heures immondes, pour retrouver une figure humaine après des mois et des mois d’avilissement physique, pour que le cœur ne tremble plus à chaque son qui rappelle cette voix basse qui me chuchotait à l’oreille « Nuhud » ( lève toi), et je savais que c’était pour la torture ».
Entre 1974 et 1976 quasiment toute la direction du mouvement « En Avant » était arrêtée. Abdelatif Zeroual, camarade et ami de Serfaty est mort sous la torture. D’autres ont sombré dans la folie.
Serfaty sera libéré en 1991 grâce à une campagne de solidarité internationale.
En tant que militant marxiste, Serfaty était également pour l’autodétermination des peuples. Pour trouver une solution au conflit qui oppose le Front Polisario au Maroc, il proposait l’organisation d’un référendum dans cette région tourmentée.
Communiste, internationaliste, anticolonialiste et antisioniste, Serfaty était tout cela à la fois.
Son souvenir restera gravé dans la mémoire de la classe ouvrière marocaine pour laquelle il a sacrifié une grande partie de sa vie.