Hassan II, sans pitié, en 500 pages
- Détails
- Catégorie parente: Maghreb et Afrique du Nord
- Affichages : 3553
L'Expression, 24 octobre 2010
Hassan II, sans pitié, en 500 pages
par Nabil Belbey
L’ouvrage rapporte dans le menu détail la hargne du roi Hassan II à l’encontre de tous ceux qui osaient s’opposer à lui
Pour situer les drames des familles marocaines, vécus pendant les années de plomb du règne de Hassan II, un livre écrit par l’avocat Maurice Butin vient d’être publié en France aux éditions Karthala sous le titre: «Hassan II, De Gaulle, Ben Barka: ce que je sais d’eux.» L’ouvrage ne manquera pas d’éclabousser le royaume qui persiste dans les mêmes pratiques envers le peuple sahraoui.
Ce nouvel ouvrage de 500 pages rapporte que «les disparus sont enlevés dans la plus grande discrétion en un véritable guet-apens, traquenard sur la voie publique ou parfois même chez eux au petit matin par des hommes encagoulés». Il s’agit en général d’éliminer pendant un certain temps des opposants, devenus trop gênants pour le régime, ou tout simplement d’enlever des «braves gens», ce qui «suffit à intimider tout un quartier», écrit l’auteur.
Parfois hélas, la mort s’ensuit après des séances de torture, pour tenter d’obtenir de ces «disparus, des renseignements sur tel ou tel événement survenu. Qu’ils ignorent peut-être totalement». L’auteur livre ainsi un témoignage sur une partie au moins d’une période douloureuse pour de nombreux militants marocains, dans la première décennie après l’indépendance, qu’il connut surtout au prétoire comme défenseur dans les procès politiques de l’époque, souvent seul avocat français aux cotés de confrères de ce pays.
Dans une première partie, il relate la résistance du peuple marocain au protectorat. La deuxième partie couvrant les années 1956-1965, éclaire dès les premiers mois de l’indépendance, sur la montée en puissance du prince Moulay Hassan, le futur roi Hassan, sa volonté et sa hâte de régner en maître absolu sur le peuple marocain. Sa hargne aussi à l’encontre de tous ceux qui pouvaient s’opposer à lui et notamment à l’encontre de ces rares hommes, dont le seul peut-être qui était de sa taille dans le pays, à savoir Mehdi Ben Barka.
La troisième partie du livre se rapporte au développement de l’Affaire Ben Barka, sa disparition, ses effets immédiats, au Maroc et en France. L’auteur évoque aussi la première plainte pour enlèvement et séquestration suivie de deux procès devant la Cour d’assises de la Seine. Puis la deuxième plainte en octobre 1975 toujours en cours au Palais de justice de Paris pour «assassinat» cette fois-ci, et où il sera question du combat mené pendant plus de 40 ans pour et aux côtés de la famille Ben Barka, afin de tenter de découvrir toute la vérité sur cette tragédie.
En effet, le vendredi 29 octobre 1965 à Paris, le leader de l’opposition marocaine fut enlevé puis assassiné. Au Maroc, une seule personne était au courant de cet enlèvement: le roi Hassan II. Il a été avisé de l’enlèvement de son pire ennemi par l’un de ses proches, lui-même informé par un député français, mais le souverain laissera croire avoir appris la nouvelle par la presse.
Au Maroc, c’est le paroxysme des années de plomb d’alors et la fin du face-à-face depuis 1965 entre le prince Moulay Hassan, devenu le roi Hassan II en 1961 et le leader de l’opposition qui plus est, le secrétaire général de la Tricontinentale aux missions mondiales.
Ce livre rappelle la situation intérieure du Maroc avant 1956, puis décrit les événements qui ont suivi l’indépendance jusqu’à la disparition de Mehdi Ben Barka. Il témoigne du combat mené par Ben Barka et souligne que l’hostilité du roi Hassan II à l’encontre de cette personnalité politique d’envergure, remonte au début de l’indépendance, le souverain, n’étant alors que le prince Moulay Hassan.
A travers l’Affaire Ben Barka, le livre en question dévoile l’action déterminante d’agents marocains aux ordres du roi. Il révèle également le rôle joué par des policiers et hommes des services secrets, voire de hautes personnalités françaises. Soit consciemment, soit par négligence.
«Ce qui s’est passé du côté français, n’a rien eu que de vulgaire et de subalterne», a déclaré le Général de Gaulle, cité par l’auteur. Quarante-cinq années ont passé et la disparition de Ben Barka demeure un mystère. Par qui il a été tué? Comment? Où repose son corps? C’est toutes ces interrogations que cet avocat né à Meknès (Maroc), qui connut de près le leader marocain, soulève dans ce livre de 500 pages.