La Liberté (Mardi 02 Septembre 2008)


Libye-Italie : la bonne voie ?


par Mustapha Hammouche


Ce qui est un accord entre la Libye et l’Italie est présenté comme “le geste de l’Italie”. Ce n’est pas le paiement étalé sur vingt-cinq ans de cinq milliards de dollars qui vont ruiner l’Italie ou reconstruire la Libye, mais le geste pose un précédent qui ne manquera pas d’imposer son empreinte dans la suite du débat sur l’après-colonisation


C’est peut-être pour cela que l’accord ne devrait pas être réduit à son aspect financier, mais sur le fait qu’il établit le principe de réparation et, donc, celui du caractère dommageable de la colonisation.
La Grande-Bretagne, le Portugal, la France et l’Espagne, notamment, qui ont longtemps occupé des territoires en Afrique et en Orient, ne pourront pas ignorer le précédent italo-libyen quand les questions de la repentance ou de la réparation viendraient à se reposer à nouveau.
Silvio Berlusconi, en signant avec Mouammar Al-Kadhafi un “accord d’amitié, de partenariat et de coopération”, a inauguré le premier acte de réconciliation entre une colonie et une ancienne puissance coloniale ; et en proclamant qu’“en tant que Chef du gouvernement”, “mon devoir était de vous exprimer au nom du peuple italien notre regret et nos excuses pour les blessures profondes que nous vous avons causées”, il exprime la première déclaration de repentance d’un dirigeant d’ancienne métropole.
Si les relations entre les deux ةtats sont passées par des moments de crise aiguë avant d’arriver à ce résultat, il semble que l’accord ait permis d’envisager de nouvelles perspectives de coopération entre les deux pays.
Il a fallu une certaine constance au dirigeant libyen dans la revendication d’une réparation pour les crimes de la colonisation italienne pour la faire aboutir. Il a fallu pour cela, du côté italien, la volonté profonde de se garantir une coopération énergétique consolidée et durable. Il a surtout fallu la pression d’un raz-de-marée migratoire et le besoin de s’assurer la collaboration du pays d’embarquement dans la lutte contre les réseaux d’immigration clandestine.
Le thème de la réparation est une constante de la diplomatie libyenne, même quand Al-Kadhafi recevait son “ami Silvio”. Rien à voir avec son parcours chaotique entre l’Algérie et la France, passant de l’omission complaisante dans les circonstances d’euphorie médiatico-sentimentale à la crise polémique dans les moments de dissension sonore. Entre 2003 et 2007, nous avions patiemment attendu un “traité d’amitié” solennellement annoncé, et qui prenait mystérieusement forme dans les cabinets présidentiels, avant d’apprendre qu’il y manquait le préalable de la repentance. De l’autre côté, on a attendu que la refondation des relations algéro-françaises soit à l’ordre du jour pour initier une loi qui oblige à l’enseignement des “effets positifs de la colonisation”. L’inconstance algérienne a rendu illisible la place de la question de la repentance dans son rapport à l’ancienne puissance coloniale et l’incohérence française réduisait à un statut anecdotique les méritoires efforts de deux ambassadeurs accrédités à Alger.
La Lybie et l’Italie viennent-elles de montrer la voie ?
M. H.

 

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