Journalistes à la barre au Cameroun


Depuis plusieurs années, le Cameroun connait une sorte d'opération «mains propres» qui conduit à la prison des dizaines de politiciens et hauts fonctionnaires. Elle est connue comme "Opération épervier » ou «Opération Albatros», du nom de l’avion présidentiel dont l’acquisition en 2004 fut entachée de nombreuses irrégularités que la justice n’a toujours pas fini de démêler. L'une des victimes du fait de cette opération est la liberté de la presse. Le 13 Janvier 2010, s’est ouvert devant le Tribunal de première instance de Douala, le procès contre Thierry Ngogang (rédacteur en chef de STV), Ananias Rabler Bindji (Canal2 International), Alex Gustave Azebaze (Aga Media) et Aboya Manassé Endong ( professeur de droit à l'Université de Douala), accusés de « viol du secret » lors d'un débat télévisé qui s'est tenue à la populaire émission "Cartes sur table».
Parmi les suspects, même Jean Marc Soboth, président du Syndicat National des Journalistes du Cameroun (SNJC) et collaborateur de Ossin. Le procès a été reporté au prochaine 9 février 2010.
Nous publions une chronique de la première audience et le communiqué du Syndicat National des Journalistes du Cameroun. Sur la page suivante, un article daté de Jeune Afrique qui explique la genèse de l'opération Albatros et un reportage plus récent sur les conditions de détention des prisonniers VIP dans la prison de Yaoundé



Affaire Albatros :Thierry Ngogang abat ses cartes sur la table du tribunal               

La Nouvelle Expression - ècrit par Julien Chongwang    
Mercredi, 13 Janvier 2010

Le procès de ce journaliste de Stv et de ses invités s’est ouvert hier avant d’être aussitôt renvoyé au 9 février prochain.
 
 
On avait l’habitude de les voir autour d’un plateau de télévision pour des débats intellectuels. Mais, c’est au banc des accusés qu’on les a retrouvé hier au tribunal de première instance de Douala Bonanjo (Tpi). Un banc à peine assez long pour accueillir trois personnes. Mais, Thierry Ngogang (rédacteur en chef de Stv), Ananie Rabier Bindji (Canal 2 international), Alex Gustave Azébazé (Aga Media) et Aboya Manassé Endong (professeur de droit à l’université de Douala) étaient bien obligés de s’y serrer, froissant quelque peu leurs beaux costumes. Et ce banc-là, n’était pas n’importe lequel ; mais celui des prévenus.
Ces quatre hommes bien connus des téléspectateurs camerounais, sont devant la barre depuis hier pour répondre du chef d’accusation de « viol de secret », tel qu’il est inscrit dans le rôle du jour.
 
Affaire Albatros
Il faut remonter à un an et demi pour trouver les racines de ce problème. Le 1er juin 2008, Thierry Ngogang recevait dans son émission « Cartes sur table » ses trois co-prévenus et Jean Marc Soboth, lui aussi journaliste et principal responsable du Syndicat national des Journalistes du Cameroun (Snjc). L’échange entre les cinq hommes portait alors sur l’audition quelques jours plus tôt de Yves Michel Fotso (ancien administrateur directeur général de la Camair) par la police judiciaire au sujet de l’affaire Albatros. Du nom de l’avion présidentiel dont l’acquisition en 2004 fut entachée de nombreuses irrégularités que la justice n’a toujours pas fini de démêler. Les déclarations des panélistes et des pièces que détenaient certains d’entre eux avaient alors ému les autorités judiciaires. Ceux-ci ayant tôt fait de crier à la violation du secret de l’instruction. Quelques jours plus tard, ces panélistes étaient à leur tour entendus par la police judiciaire de Douala. On avait cru l’affaire enterrée quand la semaine dernière, les intéressés recevaient une citation à comparaître ce mardi 11 janvier.
Prévue à 7h30, c’est finalement aux environs de 9h30 que l’affaire s’ouvre avec les formalités d’usage ; à savoir la vérification de la présence et de l’identité des prévenus par le juge et le greffier audiencier. Pendant ce temps, les deux parties se mettent en place. D’un côté, le ministère public représenté par Juille Teugan ; et de l’autre une dizaine d’avocats constitués par les quatre prévenus. Parmi eux, l’on reconnaît Me Emmanuel Pensy, Me Issofa Para, Me Guy D. Zébazé, Me Bisseck, Me Voukeng etc.
 
Observation
Passé ces préliminaires, c’est Me Emmanuel Pensy qui, le premier, se met en évidence, en attirant l’attention du tribunal sur le fait que son client Thierry Ngogang n’a pas été cité en personne tandis que Jean Marc Soboth ne l’a pas été du tout. « Le ministère public n’a pas cité Jean Marc Soboth en tant que prévenu. Il pourra être cité dans un autre cadre », répond instantanément le procureur de la République.
La deuxième observation relevée par Me Emmanuel Pensy est celle selon laquelle citation aurait dû être également donnée à la chaîne de télévision sur laquelle l’infraction présumée avait été commise. Observation apparemment appréciée par le juge qui lui demande aussitôt les détails de l’adresse de cet organe de presse et les a noté.
Juste après, tous les avocats s’accordent pour demander un renvoi à l’effet de « prendre connaissance du dossier afin de bien défendre nos clients. ». Ce à quoi ni le ministère public, ni les prévenus ne trouvent à redire. L’audience est donc remise au 9 février 2010.



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Communiqué de presse
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Le SNJC dénonce une subite offensive punitive du pouvoir contre la presse au Cameroun

Après l’incarcération à la prison centrale de Yaoundé, en décembre 2009, de Jean-Bosco Talla, directeur de publication de l’hebdomadaire Germinal pour outrage au chef de l’Etat, M. Paul Biya, la justice camerounaise poursuit son offensive de grande envergure à l’égard des journalistes avec l’assignation devant la justice pénale à Douala de confrères qui, au cours de l’émission télévisée Cartes sur Table sur la chaîne privée STV2, du 1er juin 2008, avaient longuement débattu, preuves à l’appui, de la justice à double vitesse de l’Opération Main Propre mise en œuvre par le gouvernement camerounais.
Les journalistes Anani Rabier Bindji de la chaîne Canal 2 International, Thierry Ngogang, rédacteur en chef de la chaîne STV2, présentateur de ladite émission, Alex Gustave Azebaze, deuxième secrétaire du Syndicat National des Journalistes du Cameroun (SNJC), ont ainsi été cités à comparaître devant le tribunal pénal de Douala le 12 janvier 2010.
L’acte d’accusation du  Procureur reproche aux journalistes d’avoir « ensemble et de concert relaté publiquement une procédure judiciaire non définitivement jugée ». Les prévenus qui, lors de l’émission, n’ont débattu que sur les faits, auraient « dans les mêmes circonstances de temps et lieu que ci-dessus révélé sans autorisation de celui à qui appartient un fait confidentiel qu’il n’a connu ou qui ne lui a été confié qu’en raison de sa profession ou de sa fonction ».
Convoqué à la Police judiciaire pour la même affaire, M. Jean Marc Soboth, premier secrétaire du SNJC - qui avait également pris part à cette émission -, était porté disparu lors de l’enquête et n’avait pas déféré à l’audition ; il est toutefois demeuré sous la menace de représailles judiciaires, de sources concordantes.
D’après le code pénal camerounais en vigueur, les journalistes prévenus risquent jusqu’à trois (3) ans d’emprisonnement ferme et une amende de 5 millions de Fcfa,  le gouvernement  du Président Paul Biya s’étant toujours opposé à la dépénalisation des délits de presse.
En appelant à la solidarité nationale et internationale autour des confrères ainsi menacés de peines privatives de liberté, le SNJC dénonce avec la dernière énergie cette stratégie d’anéantissement de la presse d’investigation de la corruption dans un pays considéré par l’Ong Transparency International comme l’un des plus corrompus de la planète.

Fait à Douala le 08 janvier 2010
Pour le SNJC
Le Bureau Exécutif National








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