Les rebelles syriens: unis contre Assad, divisés sur le pouvoir et l'argent
- Détails
- Catégorie parente: Pays du Moyen-Orient et Golfe
- Affichages : 1343
L'Orient Le Jour, 20 août 2012
Les rebelles syriens : unis contre Assad, divisés sur le pouvoir et l'argent
OLJ/AFP
D'après la plupart des militants et des opposants, les Frères musulmans assurent la plus grande quantité de fonds, d'aides et d'armes.
Ils ont un objectif commun : abattre le régime de Bachar el-Assad. Mais pour le reste, leur financement, leurs armes et même la manière de mener le combat, les groupes rebelles syriens présentent de profondes divergences.
Dans leur rivalité, ils se projettent déjà dans l'après-Assad, se mettant en avant pour améliorer leur positionnement sur la future carte politique. Car même si l'ensemble de ces groupes sont rassemblés sous l'égide de l'Armée syrienne libre (ASL), créée il y a près d'un an, la structure même de cette instance reste floue et n'est pas dotée d'un commandement central fort.
Signe que les Syriens hostiles au régime sont conscients de ces rivalités internes, ils ont manifesté, vendredi dernier, sous le slogan "Avec une Armée syrienne libre unie, la victoire est assurée", un message clair exprimant leur crainte que le manque de coordination ne se répercute sur la résistance sur le terrain.
Le commandement de l'ASL à l'intérieur de la Syrie chapeaute dix conseils militaires dirigés par des officiers déserteurs et qui rassemblent des milliers de combattants.
Il existe ensuite une pléthore de groupes sur le terrain formés majoritairement de civils armés, dont des islamistes, qui sont rattachés à l'ASL mais qui revendiquent une certaine autonomie.
"Notre commandement est indépendant", assure ainsi Abdel Kader al-Saleh, chef des opérations au sein du Liwa al-Tawhid, le groupe rebelle le plus important dans la bataille cruciale d'Alep (nord), fort du financement des influents Frères musulmans. "Quand nous avons décidé de nous engager dans la bataille d'Alep, nous avons fait cela sans consulter le conseil militaire (de l'ASL à Alep)", assure Abdel Kader. "Pourquoi se consulter? Nous avons le plus grand nombre de combattants à Alep et ses environs", lance-t-il, affirmant coordonner avec ceux qui luttent sur le terrain et non avec "ceux qui sont assis derrière leurs bureaux". Il qualifie les réunions avec les conseils militaires de "simples pauses-café".
Une multitude de brigades et de bataillons rebelles, le plus souvent portant des noms à caractère islamique, revendiquent régulièrement des opérations contre le régime dans des vidéos postées sur internet.
Selon le chef d'un bataillon qui se présente sous le pseudonyme d'Abou Mossab, "le financement des brigades islamistes au sein de la rébellion provient notamment du Qatar et de la Turquie", tandis que les conseils militaires obtiennent un soutien, non létal, de l'Arabie saoudite, des Etats-Unis et de l'Union européenne.
"El-Qaëda finance les jihadistes, les Frères musulmans financent les modérés et les riches Saoudiens financent les deux sans distinction", dit-il.
Selon les experts, les combattants jihadistes représentent une minorité au sein de la rébellion.
Un expert sur la Syrie basé en Grande-Bretagne affirme sous couvert de l'anonymat à l'AFP que des membres de groupes soi-disant salafistes tiennent à entretenir une apparence islamiste -comme la barbe longue-, en vue d'obtenir de l'argent saoudien, sans qu'ils soient forcément des intégristes.
D'après la plupart des militants et des opposants, la partie qui assure la plus grande quantité de fonds, d'aides et d'armes sont les Frères musulmans. La confrérie tente, selon eux, de monopoliser l'aide dans le but de se tailler la part du lion au sein du pouvoir après la chute du régime.
Le porte-parole du commandement de l'ASL en Syrie, le colonel Qassem Saadeddine, explique que la réticence des pays occidentaux à armer les rebelles pousse ces derniers à se radicaliser et faire appel à des salafistes, qui apportent leur savoir faire en matière de combat. Les Etats-Unis et les Européens arguent notamment que l'arsenal pourrait tomber entre les mains de groupes extrémistes.
Si cette tendance se confirme, "les choses vont se dégrader en allant vers plus d'islamisation et pourraient même échapper au contrôle" de l'ASL, prévient le colonel.
Les divisions sur le terrain augurent d'une lutte féroce pour le pouvoir dans la période post-Assad.
Dans beaucoup de cas, les rebelles perdent des points en raison justement du manque de coordination.
"Le retrait surprise d'un bataillon rebelle d'une artère à Bab Sebaa à Homs (centre) il y a un mois, sans consulter les autres, a fait perdre aux insurgés l'ensemble du quartier au profit du régime", explique un militant sur place, Rami al-Homsi.
Mais pour le colonel Saadeddine, l'heure n'est pas aux règlements de comptes. "Notre but finalement est le même, faire tomber le régime", assure-t-il.