Horreurs perpétrées par l’« armée syrienne libre »
- Détails
- Catégorie parente: Pays du Moyen-Orient et Golfe
- Affichages : 830
Silviacattori.net, 11 mai 2012
Un fin observateur de ce qui se passe dans son pays, raconte les horreurs d’une prétendue « armée syrienne libre »
Propos recueillis par Silvia Cattori le 11 mai 2012
La désinformation à propos des évènements en Syrie atteint de tels sommets que nul ne peut se fier à ce que les journalistes en disent. Les « grand reporters de guerre » – Sofia Amara, Martine Laroche-Joubert, Christophe Kenck, Marc de Chalvron, Romaric Moins, Manon Loizeau, Paul Moreira, Edith Bouvier - entrés clandestinement en Syrie, pour aller séjourner à Baba Amr, en compagnie des combattants d’une prétendue « armée syrienne libre » (ASL), comment ont-ils pu présenter comme de sympathiques combattants pour la démocratie des hommes qui se livraient, selon nos témoins (*), à des atrocités contre la population de Homs ?
Silvia Cattori : Deux attentats d’une ampleur jamais connue en Syrie ont secoué Damas, hier, 10 mai. Un carnage destiné à inciter les gens à ne plus soutenir Bachar El-Assad ?
Réponse : C’est terrible ! Monstrueux ! Mais des attentats pareils ne sont pas organisés par des Syriens ! Un Syrien ne fait pas cela ! Ce sont des attentats commis par des gens manipulés, encadrés par des puissances étrangères. Tous les jours nos forces de sécurité saisissent des cargaisons d’armes et des millions de livres (monnaie syrienne) en provenance du Liban.
Silvia Cattori : Ce sont des attentats commandités de l’extérieur selon vous ?
Réponse : C’est exactement le même type d’attentat-suicide utilisé depuis l’intervention US en Irak. Faire un maximum de victimes. C’est le même procédé. Ils le mettent à exécution maintenant en Syrie. Ils ont pris pour cible une route à grand trafic à 8 heures du matin. C’est l’heure où les gens se rendent au travail et conduisent les enfants à l’école. Ils ont fait sauter une première voiture chargée d’explosifs. Ils ont attendu que les gens sortent des maisons, accourent de tous côtés vers le lieu de l’explosion, avant de faire sauter, la seconde bombe. Un camion portant des tonnes de ciment a été renversé par le souffle. Plus de quatre cent personnes ont été fauchées ; 55 sont mortes et parmi les blessés il y a de nombreux mutilés. 55 voitures pleines de citoyens ordinaires ont été carbonisées, 108 complètement détruites, 60 autres endommagées. Derrière ces attentats il y a la main d’Israël. Il y a la main d’autres services secrets étrangers. Ils veulent pousser la Syrie dans une guerre continue. Ces attentats ce sont des éléments étrangers à la Syrie qui les ont pilotés. Tout le monde ici pense la même chose. La Syrie est menacée depuis l’extérieur. Ces attentats ont été planifiés depuis longtemps et n’ont pu être exécutés sans qu’il y ait des complices à Damas. Comment deux voitures chargées d’explosifs auraient-elles pu entrer à Damas par la route sans se faire repérer aux nombreux barrages par les forces de sécurité ?
Silvia Cattori : Vous n’êtes pas sans savoir qu’à l’extérieur, les journalistes tout comme les hommes politiques, continuent d’assimiler l’opposition syrienne à une « révolte populaire ». Massacre après massacre, ils répercutent les dires de Syriens qui attribuent les attentats à Bachar El Assad. Par exemple, Valérie Crova, envoyée par Radio France en Syrie a interrogé un Syrien qui lui affirme que « c’est la sécurité et le président qui sont derrière ces attentats ». [1] N’est-ce pas un encouragement adressé aux tueurs ?
Réponse : Cette journaliste est folle ! Ou alors elle ment totalement ! N’a-t-elle pas vu les millions de Syriens qui sont descendus dans les rues depuis avril 2011 pour dire « Nous voulons Assad ? » Les Syriens, ici en Syrie, sauf une infime minorité d’extrémistes, sont unis derrière leur gouvernement. Moi-même, je vous l’ai dit, j’étais critique vis-à-vis du gouvernement. Mais je soutiens El-Assad. Les Syriens qui ont manifesté pour demander des réformes ont été entendus par le gouvernement. Nous avons voté pour une Constitution pluraliste. Nous avons un nouveau Parlement. Nous sommes libres de critiquer le gouvernement. Pourquoi cette journaliste ne fait pas parler les Syriens qui, en leur grande majorité, soutiennent le gouvernement ? Tous les Syriens sont opposés à ces bandes qui lancent des bombes contre les policiers, enlèvent des professeurs, des médecins des ingénieurs, des officiers de police. Nous sommes ici tous convaincu que si le gouvernement d’El-Assad s’en allait, notre situation serait encore plus terrible ; le sang coulerait encore plus, et la Syrie serait complètement détruite.
Silvia Cattori : Mais l’opposition syrienne, invitée sur les ondes et les plateaux télévisés, a toute latitude pour donner un tout autre son de cloche et donner raison à ceux qui mentent et veulent votre perte ! Les porte-paroles du Conseil national syrien, donnent eux toujours raison à ces journalistes qui vous sont hostiles. L’opposante Randa Kassir affirmait le 10 mai « que celui qui profite de ces attentats c’est le régime syrien » [2] ?
Réponse : Dieu et le diable savent que, ces atrocités, ce ne sont pas les Syriens qui les commettent. Des Syriens honnêtes ne diraient jamais cela. Les Syriens qui, à l’extérieur, affirment de pareilles choses et coopèrent avec les puissances étrangères qui veulent pousser notre pays à la guerre, sont des gens très sales, très corrompus. Comment peuvent-ils dire que c’est le gouvernement, dont les forces de sécurités sont tuées, enlevées, égorgées, lynchées, qui est derrière ces attentats ? Outre les nombreuses victimes, ces attentats -qui visent toujours les forces de sécurité, des bâtiments des services spéciaux syriens ou de la gendarmerie- causent de grands dégâts matériels, rendant la tâche du gouvernement encore plus difficile.
Silvia Cattori : Votre gouvernement n’est-il pas en mesure d’empêcher ces attentats ?
Réponse : Ces attentats sont imprévisibles. Ceux qui les préparent se dissimulent dans la population. Il y a de nombreux mercenaires étrangers fanatiques ; ils viennent de Libye, de Jordanie, du Liban. La télévision syrienne a diffusé les confessions de 26 hommes - la plupart Tunisiens et Libyens - affiliés à Al-Qaïda. Cela explique tout. L’ambassadeur syrien auprès de l’ONU, Bachar Jaafari, a indiqué que douze étrangers figuraient parmi des combattants tués. Dont un Français, un Britannique, un Belge. Des forces étrangères à notre pays essayent de semer entre nous des haines confessionnelles. Cela nous ne pouvons pas le tolérer. Nous avons voté tous ensemble pour élire le Parlement. Nous sommes unis et attachés à notre gouvernement. Pourquoi, à l’extérieur, ne veut-on pas le voir ?
Silvia Cattori : Les habitants de Homs qui avaient fuit sont-ils revenus ? Sont-ils aujourd’hui en sécurité ?
Réponse : Oui et non. Si, à Baba Amr, il n’y a plus de bandes armées, dans certains quartiers de Homs les gangs continuent de tirer sur les forces de sécurité qui veulent défendre les habitants. Les chrétiens, les alaouites et nombre de musulmans sunnites ont fui en masse depuis l’an passé sans rien emporter. Quand ils reviennent, ils trouvent leurs maisons détruites ou occupées par les familles de sunnites proches des gangs. Mon fils, qui a quitté Homs il y a un an, est retourné l’autre jour voir sa maison dans le quartier de Baba Seeba. Il n’a pas vu de policiers dans les rues mais il a appris que les tueurs sont toujours là ; ils tirent toute la nuit. Depuis un mois, des centaines d’hommes, jeunes pour la plupart, parfois accompagnés de leurs familles, se rendent aux autorités. Dans un village sunnite à 13 kilomètres de Homs, quatre officiers déserteurs qui avaient collaboré avec les mercenaires de Baba Amr, se sont rendus quand le gouvernement a déclaré que les déserteurs ne seraient pas punis s’ils rendaient leurs armes. Au bout de quatre jours au maximum, ils sont libérés.
Silvia Cattori : Ceux qui commettent ces atrocités n’en sont pas moins considérés par nos médias comme étant les bons « combattants de l’Armée syrienne libre » [3] !
Réponse : Il n’y a pas d’« Armée syrienne libre » (ASL). Il n’existe pas en Syrie quelque chose que l’on peut qualifier d’« armée de libération ». C’est une invention pour désigner des groupes, financés par le Qatar et l’Arabie Saoudite, rejoints par quelques déserteurs dont les chefs sont basés en Turquie. Comme preuve que l’ASL n’est nullement une armée d’honnêtes syriens qui veulent « libérer notre pays » mais des mercenaires, voici encore un exemple. L’autre jour, à Qusseir, Abdel Ghani Jawhar, un islamiste Libanais expert en explosif, [chef du groupuscule djihadiste Fatah Al-Islam] qui a rejoint la pseudo « armée de libération », a été tué en maniant la bombe qui devait être lancée contre nos forces de sécurité.
Nous ne sommes à l’abri d’aucune vilaine surprise. Avant-hier (9 mai), j’ai vu un convoi de la Croix Rouge au barrage à la sortie de notre village. Je connais les policiers, j’ai un petit fils que j’accompagne à l’école, et qui aime les saluer. J’ai discuté avec eux et demandé aux conducteurs du convoi s’ils avaient besoin que je serve de traducteur. C’est ainsi que j’ai été heureux d’apprendre que ce convoi - quatre cars jeeps, deux doubles tracs, et un trac ordinaire - allait livrer des vivres à la population de Qusseir. Aujourd’hui, j’ai été très surpris d’apprendre par une personne venue de Qusseir, que le convoi de la Croix Rouge était allé livrer sa cargaison directement là où il y a ces bandes qui tournent leurs armes contre nous. En apprenant que la Croix Rouge est allée apporter les vivres à ces bandes de tueurs qui enlèvent, torturent, égorgent, j’étais très fâché. Des atrocités difficiles à imaginer sont commises. Nos terres sont en friche à cause d’eux.
Depuis une année les villageois n’osent plus aller les cultiver car ils ont peur des mercenaires qui se cachent dans leurs vergers pour se déplacer et transporter des armes. À cause de cela et des sanctions internationales contre notre pays, les prix ont triplé. Un kilo de tomates qui coûtait auparavant 15 livres en coûte aujourd’hui 80 [6 livres = 1 dollar US]. Au village, chacun cultive maintenant des tomates, des laitues, des aubergines dans son petit jardin. Les jeunes ne veulent plus aller travailler la terre. Ils peuvent toucher chaque jour 500, 800, 1’000 livres pour aller tuer des policiers. Un homme de Qusseir, qui s’est rendu l’autre jour aux autorités, a avoué avoir touché 150’000 livres pour avoir enlevé et égorgé six soldats. Des soldats ont dit avoir reçu jusqu’à 180‘000 livres pour avoir déserté, ce qui est une fortune ici en Syrie.
Silvia Cattori : Vous parlez bien du CICR ?
Réponse : Oui Madame. Je parle du CICR, de la Croix rouge internationale de Genève. Le convoi du CICR est allé à Qusseir apporter de l’aide à ceux qui dirigent leurs armes contre nos forces de sécurité, qui ont massacré de nombreuses familles et contraint beaucoup de gens à fuir ! Pour cette raison Madame, nous Syriens, nous sommes devenus méfiants et avons souvent exprimé notre crainte à l’égard des organisations humanitaires qui demandent à venir chez nous. Nous avons constaté qu’une fois ici, leur personnel prend le parti de nos adversaires, font des rapports mensongers, renforçant la propagande des pays qui veulent détruire notre pays.
Silvia Cattori : Votre armée a perdu des milliers d’hommes. Va-t-elle pouvoir résister ?
Réponse : Notre armée restera très forte. Elle ne s’immisce pas dans les affaires politiques. Elle accomplit son devoir de sauvegarder nos frontières, défendre notre pays. Elle vient en aide aux forces de police quand il le faut. Elle entoure Homs et, si c’est nécessaire, elle intervient pour combattre les mercenaires, comme elle l’a fait à Baba Amr.
Silvia Cattori : Lors de notre dernière conversation, vous étiez optimiste. Après tout ce qui vient de frapper la Syrie, l’êtes-vous encore ?
Réponse : Je serai toujours optimiste : je ne changerais pas, même s’ils venaient détruire ma maison. Je suis confiant comme tous les Syriens. La Syrie est très belle en ce moment. La Syrie et ses amandiers sont en fleurs. S’il n’y avait pas eu ces bandes, étrangères à la Syrie, qui agissent en-dehors de la loi, nous vivrions ici comme avant, en paix. Nous avons toujours vécu ensemble comme des frères. Nous ne savions pas si celui-ci était chrétien, celui-là alaouite ou sunnite. Savez-vous qu’un prêtre a récité la prière de l’islam ; et qu’un imam a récité le « Notre père » ? Nous sommes très unis. Ni la France, ni les États-Unis, ni l’Arabie Saoudite -qui est depuis sa création le diable des pays arabes- ni l’Émir du Qatar, qui après avoir assassiné son père veut être le leader de tous les Arabes, ne parviendront à réaliser leurs sinistres projets.
Les gens honnêtes savent que la Syrie a raison. Et à tout ce monde qui nous est hostile nous disons : ne la blessez pas. Laissez-nous vivre dans la dignité.
(*) Voir les précédents témoignages que nous avons recueillis :
http://www.silviacattori.net/article3094.html
http://www.silviacattori.net/article3018.html
http://www.silviacattori.net/article3000.html
http://www.silviacattori.net/article2966.html
http://www.silviacattori.net/article2787.html
Le Syrien cultivé et posé qui s’exprime ici est âgé de 75 ans. Il vit dans la province de Homs. Pour des raisons évidente nous ne livrons pas son nom
[1] Valérie Crova, journaliste de Radio France commente : « Il nous faut sortir de Damas (…) pour rencontrer un Syrien qui ne croit pas à la version donnée par le régime ». Comprenez, pour trouver la personne qui dirait à l’envoyée spéciale ce que ses supérieurs du groupe de Radio France veulent entendre : « C’est la sécurité et le président qui sont derrière ces attentats »
[2] Invitée sur le plateau de la télévision suisse romande, TSR, le 10 mai 2012, à la question orientée du journaliste Darius Rochebin au sujet du double attentat de Damas « Il y a plusieurs hypothèses, islamistes manipulés et infiltrés par le pouvoir … », Randa Kassis, membre du conseil national syrien, a répondu que cet attentat « profite au régime » question de dire que c’est lui qui est derrière.
[3] L’ASL a le soutien financier et logistique de l’Arabie saoudite et du Qatar, le soutien politique de puissances membres de l’OTAN. Selon le Canard enchaîné du 23 novembre 2011, des membres du Service action de la DGSE et le Commandement des opérations spéciales ont été envoyés au Liban et en Turquie avec « pour mission de constituer les premiers contingents de l’Armée syrienne libre » et de former les déserteurs syriens à la guérilla urbaine. Deux rebelles libyens associés aux forces de l’OTAN en Libye, Abdelhakim Belhadj et Mahdi al-Harati, ont été photographiés avec les rebelles en Syrie.
http://www.silviacattori.net/article2537.html