Bachar Al-Assad, de la victoire militaire à la victoire politique


Luc Michel



Le président syrien Bachar al-Assad, assuré de remporter la présidentielle du 3 juin, est convaincu à juste titre d'avoir sauvé sa Syrie ba’athiste face à une rébellion et à des pays occidentaux comme arabes – qui ont organisé et financé cette même rébellion - exigeant son départ. "Il est persuadé que malgré la houle, il est le seul chef d'Etat arabe à être resté à la barre et il veut montrer en organisant ce scrutin en temps et en heure qu'il est le garant des institutions que ses adversaires veulent détruire", explique à l'AFP l'un de ses collaborateurs.


Agé de 48 ans, cet ophtalmologue de formation, conduit par la mort prématurée de son frère aîné à mener une vie politique, et qui a succédé en 2000 à son père Hafez, mort après avoir dirigé pendant 30 ans la Syrie, a maintes fois dit qu'il ne lâcherait pas prise, quel qu'en soit le prix.


Face à une révolte organisée en par les Occidentaux mars 2011 dans le sillage du scénario US dit du « Printemps arabe », celui qui était un "moderniste" a du mener une guerre épuisante sur tous les fronts. Au fil de cette révolte qui s'est complètement militarisée, et qui a aussi débouché sur un terrorisme sanglant importé de l’étranger, faisant plus 162.000 morts, son caractère fort s'est affirmé.


« D'un abord courtois et décontracté, il affiche derrière son sourire une détermination inébranlable et une volonté implacable d'écraser la rébellion » (dit l’AFP) qu'il assimile avec raison à des « groupes terroristes manipulés » par l'étranger. Secrétaire-général du Ba’ath, le Parti de la renaissance arabe, il voit la révolte comme un complot ourdi par l'Occident et les pays du Golfe pour briser la "chaîne de la résistance" contre Israël, dont il est un des maillons essentiels.



« Fuir n’est pas une option »


« Fuir n'est pas une option (...). Je dois être aux premiers rangs des défenseurs de la patrie. C'était mon seul scénario depuis de le début de la crise », a confié en janvier à l'AFP le Président. Assad qui, malgré la guerre et le danger terroriste omniprésent (il faut avoir été à Damas, comme je l’ai fait en juin 2013, pour comprendre), vit à Damas avec sa femme et ses trois enfants.


« Même fin août 2013, alors qu'il fait face à la menace d'une intervention militaire étrangère en Syrie, il peaufine une image de sérénité lorsqu'il reçoit les journalistes étrangers » écrit avec dépit l’AFP. L'un de ses conseillers assure que M. Assad n'a jamais douté de sa victoire. "Il m'a remonté le moral à plusieurs reprises et m'a assuré qu'au bout de la route se trouvait la victoire".



Assad en position de force,
Appuyé sur l’axe géopolitique Damas-Teheran et le soutien russe


Pour Volker Perthes, directeur de l'Institut allemand international et de sécurité, « il est clair qu'il a consolidé sa position et ces élections ont lieu pour démontrer qu'il tient bien les régions sous son contrôle ». « Bachar veut prouver qu'il est l'alternative politique et qu'il est capable de rétablir l'ordre et la légalité », assure Souhail Belhadj.


Cette élection, théoriquement la première depuis plus d'un demi-siècle, a été qualifiée de "farce" par l'opposition et l'Occident – les mêmes qui ont avalisé la comédie des élections afghanes et le théâtre électoral de Kiev -, et critiquée par le secrétaire général de l'ONU, dont on connaît le tropisme occidental. Mais le président syrien croit que cette consultation arrive au bon moment, en expliquant qu'il y a « un tournant dans la crise au niveau militaire ainsi qu'au niveau politique » avec des accords sécuritaires ponctuels entre rebelles non-djihadistes et armée.


Bachar al-Assad a suivi les traces de son père. Il s'est appuyé sur les alliances nouées par Hafez avec la Russie (alors  l’URSS) dès les années 1970, avec l'Iran dans les années 1980, et avec le puissant mouvement chiite libanais Hezbollah. « Aujourd'hui, il récolte les fruits de ces alliances » assure Souhail Belhadj, chercheur à l'Institut des hautes études internationale et du développement à Genève.



Bachar Al-Assad assuré de sa réélection


Les régions sous contrôle du gouvernement en Syrie s'apprêtent à réélire Bachar al-Assad, alors que la guerre civile importée de l’étranger « semble tourner à son avantage face à des rebelles qui se déchirent et une communauté internationale très divisée » (dixit l’AFP).


Confronté à deux concurrents, le député indépendant Maher al-Hajjar et l'homme d'affaires ayant appartenu à l'opposition patriotique intérieure Hassan al-Nouri, Assad est certain de l'emporter dans les régions tenues par l'armée. Aucun candidat de l'opposition n'est en lice, pour ce qui est théoriquement la première présidentielle depuis plus de 50 ans en Syrie. Bachar et son père Hafez, qui a dirigé le pays d'une main de fer de 1970 à 2000, avaient été désignés par référendum.


Théoriquement, tous les Syriens âgés de 18 ans et plus sont appelés à voter, y compris les 7 millions de déplacés par la guerre à l'intérieur du pays. Mais dans les faits l'affaire se révèle plus compliquée. « Les élections se dérouleront dans toutes les villes syriennes, à l'exception de Raqa », ville martyre entièrement tenue par les jihadistes ultra-radicaux de l'Etat islamique d'Irak et du Levant (EIIL), a affirmé à l'AFP Majed Khadra, porte-parole de la Cour constitutionnelle.


« Le scrutin se déroulera dans 40% du territoire, où vivent 60% de la population », selon le géographe français spécialiste de la Syrie et anti-Assad comme toute l’Université française, Fabrice Balanche. En fait plus de 50% du territoire, toutes les grandes villes sauf Raqa, et près de 70% des Syriens.



Quand le vote des Syriens de l’étranger fait peur aux Occidentaux


Quant aux Syriens se trouvant à l'étranger, seuls 200.000 des 3 millions de réfugiés ou d'expatriés sont inscrits sur les listes électorales dans 39 ambassades, où le vote était prévu mercredi, selon une source au ministère des Affaires étrangères citée par le quotidien Al-Watan. "Il s'agit d'un chiffre relativement acceptable, si nous tenons compte du fait que la France, l'Allemagne et la Belgique ont interdit aux citoyens syriens" de voter, selon la même source.


Les opposants qualifient ce scrutin de "farce". Mais les réfugiés syriens dans de nombreux pays sont venus massivement voter Assad ce mercredi, sans contrainte évidemment. Devant cette gifle annoncée aux occidentaux, la France, l’Allemagne et la Belgique, mais aussi la Tunisie, ont interdit le vote dans leur pays, paniquant devant ce qui est incontestablement un plébiscite pour Assad.


Ainsi l’exemple du Liban, terrible gifle pour les Occidentaux : « Beyrouth a vécu au rythme de l'élection présidentielle syrienne ce mercredi 28 mai, journée consacrée au vote des Syriens installés à l'étranger. Dans un phénomène inattendu, des milliers de ressortissants syriens ont afflué vers l'ambassade de leur pays, à Yarzé, au sud-est de la capitale libanaise, provoquant un embouteillage monstre, qui a totalement bloqué la circulation », commente RFI.


Ce scrutin, dénoncé par l'Occident et des pays arabes qui organisent directement la guerre et le terrorisme en Syrie, mais appuyé par Moscou et Téhéran, alliés indéfectibles de Damas, a lieu dans une situation militaire plutôt favorable à Damas. Le pouvoir peut aussi se féliciter de la guerre intestine sanglante opposant dans certaines régions l'EIIL au Front al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda, ex-alliés dans le combat auprès de la rébellion syrienne.

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